Insolite. Affaire « Emirates » : il se fait passer pour un pilote héroïque

 Insolite. Affaire « Emirates » : il se fait passer pour un pilote héroïque


L’affaire Emirates Airlines VS passagères tunisiennes n’en finit pas de défrayer la chronique. Hier lundi, elle a même inspiré un tunisien particulièrement imaginatif. Akram Nouichi, autoproclamé premier pilote à Japan Airlines, a annoncé héroïquement son refus catégorique de piloter des avions en direction des Emirats, en guise de boycott protestataire, faisant la Une de plusieurs médias en ligne. Récit de l’un des plus beaux enfumages de l’année.


Ecrit sur un ton solennel, photos à l’appui, son statut repris dans un premier temps par Shems FM avait récolté une dizaine de milliers de likes sur les réseaux sociaux dans la première heure de la publication de ce qui s’avèrera être une intox retentissante. C’est dire l’attente en Tunisie d’une figure patriote de ce type, une attente que le jeune homme a bien exploitée.



« Nous, Akram Nouichi, exprimons notre refus désormais de piloter ou de superviser tout vol en direction ou en provenance des Emirats Arabes Unis, que ce soit à partir de l’aéroport d’Abou Dhabi ou de Dubaï, sous égide émiratie ou japonaise », en représailles à la mesure interdisant aux Tunisiennes d’embarquer sur les vols de la compagnie Emirates ou même de transiter par les aéroports émiratis. Il pousse l’audace jusqu’à taguer dans son statut l’ancien ministre Néji Jelloul ainsi qu’un journaliste célèbre, Mohammed Boughalleb.


 


Quart d'heure de gloire


Pendant près de 12 heures, le mythomane (ou plaisantin) héros de ses dames récoltera une pluie de compliments et de superlatifs, salué par ses compatriotes, notamment de la gente féminine. Certains changent même leur photo de profil à son effigie, tant l’affaire dite « Emirates » soulève les passions idéologiques ces derniers jours en Tunisie.


Aussitôt, une radio locale annonçait fièrement : « Première interview du héros pilote tunisien Akram Nouichi sur nos ondes », avant de se rendre compte du « hoax ». Sorte de Botul tunisien, Nouichi est même salué par le ministre des Affaires étrangères, Khemais Jhinaoui, de passage à Shems FM, qui « admire son courage »…


Dans une envolée lyrique, le site Réalités s’extasie dans son interview : « Nos jeunes compétences tunisiennes ne cessent de briller sous d’autres cieux et d’exceller à l’international dans différents domaines.  Akram Nouichi, en est une nouvelle preuve. Cela relève d’une véritable succès story. Akram Nouichi, est un jeune prodige tunisien qui a été recruté comme premier pilote par… Japan Airlines! Excusez du peu mais c’est le premier étranger à l’être et à juste 25 ans d’âge. »


 


C’est Noël : le pilote est une ordure


L’homme se faisant passer sur son profil pour un Tunisien de 25 ans, diplômé de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace à Paris et pilote à Japan Airlines depuis février dernier, l’Association tunisienne des jeunes pilotes de l’air (ATJP) a contacté Japan Airlines pour glaner des informations sur l’identité du pilote tunisien, inconnu au bataillon. Elle découvre rapidement le pot aux roses : étonnée, la compagnie japonaise nie que ce dernier y travaille.


Le président de l’ATJP Aymen Dkhil intervient alors dans la soirée sur Jawhara FM pour avertir l’opinion qu’Akram Nouichi « est un imposteur et un usurpateur d’identité », rappelant par ailleurs qu’aucun pilote n’a le droit de refuser de piloter un avion et doit se conformer aux règlements de la compagnie aérienne où il travaille.


Une fois démasqué, le présumé pilote a fermé son compte Facebook où il avait publié des photos de ce qui semble être une intrusion dans un cockpit ou un stage de formation. Pourvu que l'intox serve de leçon de journalisme et de nécessité de recoupement de l'info.


Dans un registre plus sérieux, commentant la réponse tunisienne consistant en l’interdiction de son espace aérien aux vols émiratis jusqu’à nouvel ordre, la porte-parole de la présidence de la République Saïda Garrach a cependant tenté de tempérer cette crise en révélant hier que les autorités émiraties détenaient une information faisant état d’un projet d’attentat impliquant une ressortissante tunisienne de retour de zones de tensions. Ce qui a valu à la porte-parole la foudre de nombreux commentateurs qui y ont vu une justification de la mesure émiratie discriminatoire.


Si les réactions autour de l’affaire continuent à être des plus passionnées, nous sommes en droit de nous interroger maintenant que nous savons que les renseignements tunisiens ont coordonné avec leurs homologues émiratis, sur le bienfondé de la réaction officielle tunisienne qui feint une surprise démagogue, même si toute mesure discriminatoire est contraire aux dispositions du droit international.    


 


 Seif Soudani


 


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