Indignation générale après le blacklisting en paradis fiscal
« La Tunisie exprime sa surprise et sa consternation d’avoir été incluse par l’Union européenne dans la liste noire des paradis fiscaux. Il s’agit d’un classement qui ne reflète guère les efforts qu’elle déploie pour se conformer aux exigences internationales de transparence fiscale » réagit aujourd’hui mercredi le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué rendu public au lendemain de ce qui s’apparente à un sinistre économique national inattendu. Un camouflet pour l’exécutif qui se pensait auréolé de sa guerre contre la corruption en vigueur depuis 6 mois.
« La Tunisie rappelle avoir fourni à l'UE toutes les données et clarifications concernant la compatibilité du système fiscal tunisien avec les principes de la charte européenne dans le domaine de la fiscalité. Les services européens ont reconnu la conformité de ce système avec les règles de transparence » a précisé la même source dans un communiqué, appelant à réviser le classement dans les plus brefs délais.
Comment en est-on arrivé là ? Trois grands critères avaient été définis par Bruxelles et la Tunisie devait en répondre :
– Se conformer aux standards de l’échange automatique de données de l’OCDE
– Eviter de favoriser les sociétés offshore. Or, la législation tunisienne, notamment de par sa fameuse loi 72 favorisant l’offshoring.
– Lutter contre et ne pas favoriser l’évasion fiscale des multinationales de l’OCDE.
Réactions des centrales patronale et syndicale
L’Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), a exprimé à son tour ce mercredi sa surprise quant à la décision des ministres des Finances des pays de l'Union européenne d’inclure la Tunisie sur cette liste noire. « L’UTICA considère que cette décision dangereuse aura des répercussions très négatives sur les relations de la Tunisie avec l'Union européenne et sur les programmes de coopération entre les deux parties. Il en va également de la réputation de la Tunisie et de son image malgré son succès dans le processus de transition démocratique, de l'investissement étranger et de la note souveraine de notre pays », regrette l’UTICA sans détour.
L'Union générale tunisienne du travail (UGTT) a de son côté également déploré « une décision injuste », « étant données les sanctions économiques qu'elle pourrait entraîner au moment où notre pays s'apprête à entamer un nouveau cycle de négociations avec l'UE dans le cadre de l'accord de libre-échange et la mobilisation de ressources extérieures pour le budget 2018 », même si l’UGTT reconnaît cela dit que le système fiscal tunisien doit être réformé.
L’UGTT met en garde en outre contre « la mauvaise performance de la diplomatie économique tunisienne et son échec à traiter cette question, discutée par la Commission européenne depuis juin 2015 ». L’organisation a appelé le gouvernement à avancer dans une réforme fiscale qui rompt avec discrimination fiscale et consacre les éléments de transparence conformément aux normes internationales.
Pour rappel, lors du remaniement ministériel de septembre dernier, Hatem Ferjani député Nidaa pour la circonscription d’Allemagne avait été précisément rappelé en Tunisie pour être nommé Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères chargé de la diplomatie économique.
BCE et Chahed étudient « des solutions rapides »
Dans ce contexte de crise provoquée par la labélisation de la Tunisie sur la liste noire des paradis fiscaux, le chef de l’Etat Béji Caïd Essebsi a reçu ce même mercredi le chef du gouvernement Youssef Chahed à Carthage afin d’examiner « les solutions rapides qui devront être mises en œuvre de concert avec les autorités européennes, pour sortir de la crise », bien que les deux présidences tentent de minimiser l'ampleur du problème et parlent simplement de "souci technique avec les services européens concernés"…
A l’ordre du jour également, la question des préparatifs pour faire réussir les prochaines élections municipales prévues pour fin mars 2018, ainsi que les dispositions au sein de la Loi de Finance 2018 pour combattre efficacement la corruption, la contrebande et l’alignement sur les standards internationaux en matière de transparence.
S.S
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