Incendies : une paranoïa chronique
Un collectif des coordinations régionales des ouvriers de chantiers s’est dit lundi « étonné de la campagne orchestrée contre son secteur » à la suite de la vague d’incendies qui frappe le pays depuis plusieurs jours. Face à la propagation des incendies plus au sud, pourtant en pleine canicule, la même polémique sur fond de complotisme semble ressurgir chaque année à propos de l’origine criminelle ou naturelle des feux de forêt.
Le collectif ouvrier s’est dit indigné face aux « accusations gratuites lancées à l’encontre d’une catégorie entière de travailleurs qui reste pourtant mobilisée en première ligne, à cette heure, avec les unités de la protection civile pour combattre le feu, en dépit des conditions de travail éprouvantes ».
Revenant sur le contenu jugé ambigu d’une conférence de presse conjointe de représentants du gouvernement, de l’armée et de la Garde nationale, le collectif s’estime victime d’un « scénario bien ficelé visant à permettre à l’Etat de se défaire de son devoir constitutionnel de régulariser définitivement la situation précaire de cette catégorie marginalisée ».
Le porte-parole de la Direction générale de la Garde nationale, Khalifa Chibani, avait affirmé que quatre individus en rapport avec ces incendies ont été placés en garde à vue à Jendouba et deux autres à Bizerte. Il s’agit, a-t-il indiqué, d’ouvriers de chantiers temporaires recrutés puis abandonnés, selon les investigations préliminaires. « Ils auraient déclenché les incendies dans l’espoir d’être engagés dans les interventions des forces de sécurité pour contenir les flammes », avait-il déclaré.
Trouver à tout prix un responsable
Plus tempéré, un représentant du parquet avait quant à lui expliqué qu’il se peut que des individus isolés aient pu profiter de l’ampleur des incendies afin de provoquer des feux secondaires en vue d’en tirer du charbon, un scénario néanmoins plus connu dans les montagnes algériennes voisines.
Versant davantage dans le conspirationnisme à connotation politique voire idéologique, d’autres encore à l’image du chroniqueur Lotfi Laamari imputent ces incendies aux gardes forestiers, un corps de métier qui avait selon lui subi une purge suivi d’un vaste remplacement par des éléments « non patriotes » du temps de la troïka dès 2011. Une thèse aux relents nationalistes et anti islamistes de la terre brûlée qui, bien que infondée, trouve un écho auprès de larges pans de la société.
Au moment où grâce au déploiement de 500 soldats, le plus grand incendie de la région nord, à Sejnane, était enfin maîtrisé en ce mardi 8 août, l’heure est donc aux comptes, quand bien même la température caniculaire (40 degrés à Tunis aujourd’hui) suffit en théorie à expliquer la majeure partie d’incendies certes plus importants en taille et en nombre cette année.
S.S