Hausse du taux d’intérêt : le gouverneur de la BCT s’explique
Le relèvement surprise du taux d’intérêt directeur, souvent abrégé en « TMM » (taux moyen du marché monétaire) a surpris à la mi-février les ménages tunisiens et les investisseurs. Face à ce climat anxiogène, l’Assemblée des représentants du peuple a invité le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour l’interroger longuement sur cette mesure polémique. Explications.
Abbassi est intervenu à l'issue de près de 4 heures de questions d'une session marathonienne
« L’inflation (officiellement de 7,5%) reste l’ennemi numéro un de la stabilité économique », a asséné le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie Marouane Abbassi en séance plénière devant les députés, ajoutant que « si le gouvernement ne prend pas de dispositions à temps, en ce moment opportun, les impacts économiques seront potentiellement désastreux ».
Un rehaussement du TMM pour contrer freiner les crédits à la consommation et par effet de levier inflation, la recette est ancienne mais orthodoxe et controversée, tels qu’en attestent les nombreuses réactions des disciples et élèves de Marouane Abbassi qui disent ne pas reconnaître leur professeur.
En augmentant à compter du 19 février de 7,24% à 7,56%, puis à 8,24% fin mars, le TMM tunisien est élevé par rapport à la zone OCDE, mais bien en deçà des taux pratiqués au Mexique par exemple où il atteint les 24%. Indexé sur le TMM, le taux de rémunération de l’épargne en Tunisie pourrait passer de 5 à 6%.
Une décision aussi soudaine que radicale
Il s’agissait hier essentiellement de répondre à deux questions qui préoccupent depuis quelques jours tout particulièrement l’opinion publique nationale, s’agissant du soudain recours de la Banque centrale de Tunisie à l’augmentation du taux d’intérêt directeur, mais aussi de l’inquiétant glissement continu et volatile du dinar. Le gouverneur a expliqué la décision relative à l’augmentation du taux directeur de pas moins de 100 points de base est principalement motivée par « l’amplification des pressions inflationnistes », une accélération insoutenable donc en l’absence d’une mesure d’austérité aussi stricte.
« En raison de la cadence très élevée de l’inflation à partir des années 2015 – 2016, nous nous sommes depuis cette date retrouvés dans une zone négative », a rappelé Abassi, affirmant que le conseil d’administration de la BCT a précisément pris la décision d’augmenter le taux directeur afin d’éviter une inflation à deux chiffres » synonyme de récession.
Le gouverneur de la BCT a également évoqué le lien étroit entre l’inflation et la consommation des produits importés, soulignant que « les pays exportateurs en sont les vrais bénéficiaires et non pas la Tunisie, d’où la nécessité de maitriser la consommation de ces produits importés ».
Le dinar à son plus bas historique face à l’euro et au dollar US
Concernant la dépréciation de la valeur du dinar par rapport aux devises étrangères, le gouverneur de la BCT l’a expliquée en premier lieu par la baisse progressive de certaines exportations comme les industries mécaniques et électriques, l’énergie, le phosphates et ses dérivés, etc., même si le textile tire encore son épingle du jeu.
C’est la production de phosphates qui accuse le plus grand recul, en ayant diminué jusqu’à un niveau de 3300 tonnes en 2018, contre 8000 tonnes en 2010, année référence d’avant révolution. Par conséquent le déficit de la balance énergétique s’est dégradé de 605 MD à plus de 5 mille millions de dinars, sans compter l’amplification du déficit de la balance commerciale qui atteint aujourd’hui la bagatelle de 19 milliards de dinars.
Dans le but de ramener l’inflation à des proportions raisonnables (~ 5%), il faudrait adopter des politiques économiques axées sur l’économie productive et la promotion des produits « made in Tunisia », a conclu le gouverneur de la BCT, encore faut-il changer les mentalités en ce sens.
Pour autant, ce relèvement du taux d’intérêt a d’un autre côté des allures d’un aveu d’échec face à la politique gouvernementale qui avait fait le pari, sous la pression du FMI, de dévaluer le dinar afin d’encourager la consommation de produits locaux. En 5 ans, le dinar tunisien a perdu 45% de sa valeur sur le marché du change.
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