Tunisie. Hausse des prix, nouvelle taxe… La « politique discrétionnaire » du nouveau pouvoir
Les Tunisiens ont été surpris d’apprendre aujourd’hui en faisant leur courses qu’une taxe à la consommation de cent millimes, appliquée à tous les tickets de caisse dans les grandes surfaces, est entrée en vigueur en ce mardi 1er février 2022. Mais ce n’est pas la seule mauvaise surprise de la journée.
Annoncée discrètement dans la loi de finances de 2022, une loi promulguée par décret présidentiel et non discutée au Parlement, cette nouvelle taxe qui prend la forme d’un timbre fiscal relatif aux achats effectués dans les galeries marchandes, les centres commerciaux et autres grandes surfaces, concerne également les franchises.
Particulièrement impopulaire, la date d’entrée en vigueur de ladite taxe n’avait pas été divulguée. Conséquence, les Tunisiens qui découvraient ce matin le pot aux roses sur leurs tickets de caisse étaient nombreux à demander des explications à des caissières et caissiers eux-mêmes pris au dépourvu.
Proposée au départ s’agissant des achats d’un montant supérieur à 50 dinars, il s’avère que la taxe de 100 millimes s’applique finalement quel que soit le montant de l’achat.
Un gouvernement muet
Le ministère de tutelle, en l’occurrence celui du Commerce, n’a ainsi pas jugé utile de communiquer autour de cette taxe ou encore des recettes estimées qu’elle pourrait apporter à l’Etat, et pour cause : le gouvernement Bouden est ce que l’on appelle un gouvernement muet. Depuis son arrivée à la Kasbah en octobre 2021, Najla Bouden n’a accordé aucun entretien aux médias, et les interventions de ses ministres dans les médias sont rarissimes.
Une posture du boycott et du silence médiatique qui concorde avec la communication archaïque du Palais de Carthage, le président de la République n’ayant plus donné d’interview aux médias nationaux depuis deux ans jour pour jour, préférant un format vertical des vidéos produites par le Palais lui-même, où les conseils des ministres et les hôtes servent de prétextes à des prises de parole éparses.
Mais ce n’est pas tout : les prix du carburant viennent eux aussi de bondir par pallier de 50 à 60 millimes d’un coup, portant le coût du sans plomb à 2.155dt le litre, et du gasoil sans soufre à 1860dt.
Les ministères de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie et celui du Commerce et du Développement des exportations ont cette fois annoncé hier soir 31 janvier 2022, dans un communiqué commun, cette révision à la hausse des prix des carburants.
Face à la grogne des internautes, le ministère du Commerce a opté de son côté pour la même politique du mutisme, y compris sur le web, en fermant la section commentaires aux citoyens à qui il est donc interdit de commenter.
« Ce n’est pas ce que vous croyez »
Au-delà de la gouvernance économique, d’autres volets, dont la diplomatie tunisienne, souffrent aujourd’hui de la même politique d’opacité.
En lisant le dernier communiqué en date à propos d’une conversation téléphonique entre le président Kais Saïed et le président français Emmanuel Macron, on retrouve un leitmotiv fréquemment réitéré par la présidence tunisienne : celui consistant à assurer aux chancelleries occidentales qu’on leur ment, que les médias affabulent et diabolisent la réalité du nouveau pouvoir en place depuis l’annonce de l’Etat d’exception le 25 juillet dernier.
Ce même état de déni qui confine à la dissonance cognitive était déjà de mise cet été, lorsqu’au moment où des Tunisiens étaient refoulés par centaines aux aéroports avant d’embarquer, en fonction de leur profession, Carthage niait tout en bloc, affirmant à qui veut bien l’entendre que la liberté de circulation était garantie. Députés et anciens hauts fonctionnaires sont toujours empêchés de voyager, sans interdiction judiciaire, comme le rapporte récemment Le Monde.
11 ans après la révolution tunisienne, peut-on ériger la dissimulation en mode de gouvernance en 2022, à l’ère des GAFAM, de la globalisation numérique et des services de renseignement au fait des moindres velléités des gouvernants dans cette région du monde ? Les nouveaux maîtres du pays semblent penser que oui.
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