Guerre en Libye : la Tunisie peine à exister
Pays instigateur des révolutions arabes, limitrophe avec la Libye, partageant près de 500 kilomètres de frontières avec ce voisin, ayant accueilli plus d’1 million de réfugiés libyens au plus fort du conflit, et dont l’économie formelle et informelle dépend grandement des échanges avec tuniso-libyens, la Tunisie se trouve aujourd’hui marginalisée, exclue des tractations en cours de guerre et de paix en Libye. Comment en est-on arrivé là ?
A défaut de pouvoir répondre à cette interrogation, la présidence de la République tunisienne a pris la parole aujourd’hui, pour la première fois par la voix de sa chargée de communication Rachida Ennaifer, apportant quelques clarifications s’agissant de la position de la Tunisie sur le brasier libyen en cours, au moment où les troupes terrestres turques ont commencé leur marche vers Tripoli.
Il faut dire que la récente « visite surprise » du président turc Erdogan à Tunis avait davantage brouillé les pistes sur le rôle de la Tunisie, dont certains avaient spéculé qu’elle pourrait servir de base arrière aux appétits turcs dans la région.
Ainsi Ennaifer a expliqué que le président Kais Saïed est « contre une quelconque intervention étrangère sur le sol libyen, et qu’il souhaite trouver une solution de paix de manière pacifiste ».
Autre sujet mettant Carthage dans l’embarras, la Tunisie n’a pas été conviée à la conférence internationale sur la Libye qui se tient dans quelques jours à Berlin, alors même que l’on vient d’apprendre que le nouveau président algérien, Abdelmajid Tebboune, y a été convié. De fait, l’hypothèse d’une mise à l’écart de la Tunisie par les forces régionales pro maréchal Haftar se préciserait.
Pour relativiser cette absence, Rachida Ennaifer a rappelé qu’« à ce jour, nul ne peut garantir la présence des libyens eux-mêmes à Berlin, tout en affirmant que la Tunisie continue à négocier ».
Hier lundi 6 janvier, le président de la République Kais Saïed avait en effet reçu un appel téléphonique de la part de la chancelière allemande Angela Merkel, officiellement pour évoquer « le renouveau des liens unissant les deux pays et l’accompagnement qu’a apporté l'Allemagne à la Tunisie tout au long de sa transition démocratique ».
Mais durant ce même entretien téléphonique, il a évidemment été question de la crise libyenne et des parties qui y sont impliquées tout comme « l'obligation », selon Carthage, « d'y trouver une solution reposant sur la notion de légitimité internationale ». Signe, selon de nombreux observateurs, que la Tunisie de Kais Saïed continue de miser sur la fragile carte Fayez Sarraj, seule partie reconnue par l’ONU.
Toujours selon Carthage, il a été convenu de poursuivre les concertations bilatérales à ce sujet et de choisir les parties qui vont représenter les deux pays durant les prochaines négociations. La chancelière allemande a également convié le président de la République tunisienne à effectuer une visite officielle à Berlin, une invitation qui fait dire à certains qu’il s’agit là d’une forme de consolation censée réparer l’absence contrariée de Tunis aux négociations de Berlin sur Tripoli.
Quoi qu’il en soit, ce premier déplacement à l’étranger serait l’occasion de couper court aux rumeurs insistantes sur les phobies du nouveau président tunisien, parmi lesquelles sa supposée phobie de prendre l’avion. Durant la campagne présidentielle, l’homme avait reconnu que son passeport avait depuis longtemps expiré, ce qui a contribué à ces rumeurs aujourd’hui démenties par le Palais.
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