Tunisie. Grève générale nationale des avocats

 Tunisie. Grève générale nationale des avocats

Borhène Besaies, Mourad Zeghidi, et Sonia Dahmani

Le corps des avocats observera ce lundi 13 mai 2024 une grève dans tous les tribunaux du pays, une réponse historique prise par le conseil de l’ordre des avocats lors d’une réunion extraordinaire tenue dimanche, en réponse à la prise d’assaut samedi de la Maison de l’avocat par des forces de l’ordre en civil pour l’exécution d’un mandat d’amener contre leur confrère avocate Sonia Dahmani.

La Tunisie vit sans doute des heures historiques où treize années après la révolution de la Dignité, le pouvoir en place teste à nouveau les limites de sa marge de manœuvre répressive, via une escalade sans précédent notamment à l’encontre d’avocats mais aussi d’hommes et de femmes des médias. Car durant la même soirée du 11 au 12 mai, en plus de Sonia Dahmani, elle-même juriste et chroniqueuse dans plusieurs médias, deux autres éminentes personnalités des radios et télévisions privées, Borhène Bessaies et Mourad Zeghidi, ont été arrêtées pour des faits similaires.

 

De la judiciarisation de la vie politique à son hystérisation

En cause d’après leurs défenses respectives : des faits incriminés entre autres par un décret relatif à la « lutte contre les infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication », et dans le cas de Zeghidi et Bessaies selon leur avocat Nizar Ayad, probablement une atteinte au président de la République dans des propos tenus à l’antenne remontant à 2020.

Les policiers n’ayant pas réussi à saisir le matériel de France 24, les images de la violente arrestation de Sonia Dahmani et de la tentative de censure ont par ailleurs aussitôt fait le tour du monde, embarrassantes pour les autorités :

La condamnation de Reporters sans frontières a suivi dimanche :

 

Extension du champ de la grève des avocats

Mais l’affront symboliquement essuyé par les avocats tunisiens dans leurs propres locaux sera sans doute encore plus lourd de sens pour le régime qui a selon l’opposition commis « une grave erreur ».

Ainsi les avocats tunisiens ont décidé, dimanche soir, d’observer lundi une grève générale dans tous les tribunaux du pays, pour protester contre l’«assaut barbare » mené par des forces de sécurité contre le siège de l’Ordre des avocats. Un mouvement de grève généralisé d’un commun accord, après avoir été annoncé dans un premier temps comme concernant le Grand Tunis, dans une conférence de presse où fut pour la première fois levé le slogan « A bas Kais Saïed ! » par l’audience.

L’annonce a été faite par le bâtonnier de l’Ordre des avocats tunisiens, Hatem Meziou, à l’issue d’une réunion d’urgence tenue dimanche. Il a en outre annoncé que les plaintes pénales seront déposées « contre tous ceux qui ont attaqué le siège de l’Ordre », soulignant que « le Conseil de l’Ordre restera en session permanente pour suivre la situation ».

A la croisée des chemins, le pays se trouve cependant à un dangereux tournant pour plusieurs acteurs et observateurs de la vie politique, préoccupés par des prémices de profonde division, une discorde civile entre défenseurs acharnés du pouvoir personnel incarné par le président Saïed, et les pourfendeurs de « la folie ultra répressive » en cours. Une fuite en avant qui a pour la première fois depuis 2011 réussi à instiller la peur et l’auto censure de la parole chez de nombreux Tunisiens.

 

Sonia Dahmani annonçant sa « rébellion » contre la procédure la visant