Gouvernement Jemli : l’Arlésienne ?

 Gouvernement Jemli : l’Arlésienne ?

Habib Jemli


Le chef du gouvernement désigné Habib Jemli a présenté le 26 novembre au président de la République Kais Saïed les résultats de ses concertations avec les différents acteurs politiques ainsi que « les visions qui lui ont été exposées ». Face à l’inertie et aux difficultés qui se profilent, l’opinion publique s’impatiente et les commentateurs se montrent de plus en plus sceptiques.


Selon un communiqué plutôt optimiste de la présidence de la République, l’entretien aurait permis de passer en revue d’autres questions ayant trait aux « revendications économiques et sociales des citoyens ainsi que les législations à adopter le plus rapidement possible », comme l’exige la difficile conjoncture économique actuelle du pays, au moment où diverses augmentations sont annoncées, dont les prix du carburant et ceux de l’électricité et du gaz, début 2020.


Le 15 novembre dernier, Habib Jemli, haut fonctionnaire reconverti dans le secteur privé, quasiment inconnu au bataillon, était chargé par Ennahdha de former un gouvernement.


Le 19 novembre, Jemli entame à Dar Dhiafa à Carthage des concertations en vue de la composition d’une équipe gouvernementale. Ce fut le début d’un balai incessant d’entrevues avec divers dirigeants de partis politiques représentés au parlement, des représentants des organisations nationales et de structures syndicales, mais aussi certaines personnalités de la scène politique, médiatique et même artistique.


C’est cette variété, et par conséquent les lenteurs qu’elle occasionne, qui au fil des jours ont légitimement agacé bon nombre d’éditorialistes, d’autant qu’hier mardi, Jemli a déclaré à la presse ne pas en être encore au stade de la composition du gouvernement à proprement parler, ce qui a déclenché les railleries des réseaux sociaux où des internautes ont ironiquement appelé le chef du gouvernement désigné à « prendre tout son temps ».


 


Ringardisation du dialogue national


« Jemli compte-t-il rencontrer l’ensemble de la société civile et de la scène médiatico-politique ? », peut-on aussi y lire à juste titre.


Car il y a en effet matière en l’occurrence à être irrité par ce retour non justifié à la culture consensualiste du « dialogue national » à tout prix, synonyme de frilosité mais aussi d’apolitisme, voire de négation du fait politique, au lendemain d’élections libres qui exigeraient qu’un gouvernement éminemment politique soit formé, bientôt une décennie après la révolution, où l’heure ne devrait plus être à ces tergiversations cherchant à plaire à tout le monde.     


Dès la semaine dernière, l’ancien candidat à la présidentielle Lotfi Mraïhi, fut le premier à s’en agacer, en dénonçant ce qu’il a appelé « la mascarade des élections » : « pourquoi se fatiguer à organiser des élections, puisque dans tous les cas on finit par nommer un anonyme ou un technocrate, sans programme précis ni vision politique ? »


Pour s’en défendre, le candidat d'Ennahdha pour la primature affirme que « le gouvernement sera composé de compétences nationales issues de partis politiques, mais pas seulement, avec une présence remarquable des femmes et des jeunes ».


Ainsi selon Jemli, « les tractations ont bien avancé s’agissant de la mise en place des grandes lignes du programme économique et social, ainsi que la restructuration du gouvernement et de la présidence du gouvernement en particulier », signe que l’homme s’apprêterait à revoir à la baisse ses propres services ainsi que le nombre des ministères.


Si les délais constitutionnels ne sont pas encore dépassés, le scepticisme reste de mise chez les Tunisiens, d’autant que la plupart des partis concernés par une éventuelle coalition gouvernementale, percevant sans doute les faiblesses du processus en cours et les possibles concessions, ne renoncent à aucune de leurs demandes concernant notamment les portefeuilles régaliens tant convoités de la Justice et de l'Intérieur.