« Fin de mission » pour l’ambassadeur et le consul général de Tunisie à Paris

 « Fin de mission » pour l’ambassadeur et le consul général de Tunisie à Paris

Abdelaziz Rassaâ et Ali Chaâlali


C’est une spectaculaire double éviction à la tête de la représentation diplomatique tunisienne en France qu’a connue la journée du 30 décembre, une mesure exceptionnelle, sur ordre du président de la République, et sur fond de soupçons de corruption. Explications.


Lundi après-midi, on apprenait ainsi que l’ambassadeur de Tunisie à Paris, Abdelaziz Rassaâ, en poste depuis janvier 2017, a été « démis de ses fonctions » selon un décret présidentiel paru la même journée dans le Journal officiel de la République tunisienne (Jort). Il en est de même pour le consul général de Tunisie en France, Ali Chaâlali, en poste quant à lui depuis octobre 2015, dont la fin de mission avait été cela dit annoncée plus tôt, en novembre dernier. Sommes-nous en présence de « limogeages » à proprement parler ?  


Enquête diligentée pour « soupçons de corruption » 


Le ministère des Affaires étrangères par intérim Sabri Bachtobji avait indiqué dès le 21 décembre que le président de la République, Kaïs Saïed, avait autorisé l’ouverture d’une enquête suite à des informations faisant état de soupçons de corruption au sein de l’ambassade de Tunisie à Paris, rue Barbet de Jouy dans le VIIème arrondissement.


Le ministère avait alors précisé que lesdites rumeurs avaient abondamment partagées sur les réseaux sociaux et que les résultats de l’enquête ainsi que « toutes éventuelles mesures administratives et pénales qui en résulteraient seraient rendues publiques ». Mais à l’heure qui l’est, aucune mention de ces décisions ni des raisons précises de ces limogeages n’a été rendue publique par le ministère des Affaires étrangères. « Une enquête ordonnée suite au colportage de rumeurs sur Facebook », protestent aujourd’hui certains médias nationaux.


D’autres sources, diplomatiques, affirment que ces mesures ne serait pas lié à une quelconque affaire de corruption mais justifiées par les récentes mutations politiques et la formation du nouveau gouvernement. Or, ledit gouvernement n’est pas encore formé, et il est rare de lire dans les coutumes et les usages des corps diplomatiques une « fin de mission » dans le Jort, aussi abruptement, de façon collective, et surtout sans mention d’une autre affectation des intéressés.


Est-on face à la nouvelle doctrine radicalement anti-corruption et tous azimuts, promise par la campagne présidentielle de Kais Saïed ? Il y a lieu de le penser, d’autant que dans le même temps, on apprenait hier lundi que l’épouse d’un diplomate, pudiquement désigné comme « exerçant dans un pays européen », a été arrêtée à Monastir, sur ordre du parquet, par les agents de la sous-direction de lutte contre les stupéfiants d’El Gorjani, et que six autres de ses complices sont activement recherchés dans une affaire de trafic de drogue facilitée par l’utilisation de passeports diplomatiques.


D’où la thèse d’un délicat coup de filet d’envergure en milieu diplomatique, précisément l’un des champs de tutelle de la présidence de la République de Kais Saïed, qui s’est de surcroît entouré d’un diplomate chevronné et d’un ex diplomate dans son propre cabinet, respectivement Tarek Bettaïeb et Abderraouf Betbaïeb, que l’on dit en l’occurrence à la manœuvre.  


Ingénieur de formation, Abdelaziz Rassaâ, évincé hier, est un ancien ministre de l'Industrie et de la Technologie au sein du gouvernement de Béji Caïd Essebsi (2011) dont il est considéré comme l’un des proches.


Fin octobre 2019, un jeune diplomate tunisien à Malte, Mohamed Haithem Beltaief, avait par ailleurs évoqué « des soupçons de corruption financière planant autour de l’ambassade de Tunisie à Malte », à La Valette. Révélant en tant que « whistleblower » une présumée divulgation d’informations et de documents confidentiels de l’Etat tunisien ainsi qu’un détournement présumé de fonds publics, ce secrétaire a annoncé il y a quelques jours que son administration a décidé de sa comparution devant un conseil de discipline le 8 janvier 2020.