Figure clivante pour les Tunisiens, Ben Salmane est honoré à Carthage

 Figure clivante pour les Tunisiens, Ben Salmane est honoré à Carthage


Le président de la République, Béji Caïd Essebsi a décoré au Palais de Carthage, le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, de la plus haute distinction des insignes de l’Ordre de la République tunisienne, au soir de sa courte visite officielle en Tunisie. Une sollicitude qui ne fait pas l’unanimité dans le pays.



 


Conviés à prendre part à la réception du dîner, comme le veut l’usage et le protocole, le président de l’Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur, ainsi que le chef du gouvernement, Youssef Chahed, étaient à la table présidentielle, quoique la présence de ce dernier, relégué en l’occurrence aux seconds rôles, était visiblement source de léger malaise, étant donné le récent divorce politique entre la Kasbah et Carthage.


Sollicitée via ses porte-paroles, la présidence de la République a par ailleurs démenti les rumeurs qui se sont propagées sur la toile la veille de la visite de « MBS », concernant des montants financiers astronomiques (certains parlent de 5 milliards de dollars) que le prince héritier Mohamed Ben Salmane aurait promis à l’Etat tunisien en cette première visite d’un membre de la famille royale wahhabite depuis la révolution de 2011.


Pas de commentaires non plus à propos d’un éventuel régime préférentiel de vente de barils de pétrole à la Tunisie, bien qu’une phrase sibylline du prince ait attisé cette autre rumeur, lorsqu’en marge de sa poignée de main appuyée avec « BCE », il a lancé : « Nous sommes pleinement disposés à aider la Tunisie par tous les moyens possibles ».  


 


Les affaires étrangères, chasse gardée de la présidence de la République  


Dans sa communication autour de la visite éclair, le Palais de Carthage a mis en avant de façon décomplexée l’impulsion nouvelle donnée par Béji Caïd Essebsi depuis son arrivée au pouvoir en 2015 aux relations tuniso-saoudiennes en crise avant cette date.


Soucieux de tout mettre en perspective d’un point de vue historique, et de s’identifier à son mentor Habib Bourguiba, le président nonagénaire tunisien a rappelé devant les caméras de la TV nationale tunisienne et d’Al-Arabia TV les liens privilégiés qu’entretenait le roi Abdelaziz al-Saoud avec feu Bourguiba dans le contexte de la Tunisie post indépendance.  


Une formule en particulier n’a pas manqué de faire réagir les plus facétieux des internautes, lorsque Mohammed Ben Salmane a décrété : « Béji Caïd Essebsi est un père pour moi », au terme d’un long échange d’amabilités.


Lors du face-à-face avec la délégation saoudienne pour parler coopération et investissements, le chef de l’Etat tunisien était entouré par les ministres de la Défense et de l’Intérieur, mais sans la présence du chef du gouvernement Youssef Chahed.


En juin dernier, lorsque l’ancien ministre de l’Intérieur tunisien Lotfi Brahem avait été limogé, l’une des principales raisons de ce limogeage tonitruant était de l’avis de plusieurs observateurs le voyage en grande pompe effectué par cet ex ministre à Ryad où il fut reçu par les honneurs, puis accusé par le sulfureux journaliste Nicolas Beau de tentative de discret coup d’Etat.


Dans la guerre fratricide qui oppose l’alliance Youssef Chahed – Ennahdha d’un côté et Béji Caïd Essebsi et ses nouveaux alliés du Golfe de l’autre, l’année électorale 2019 devrait progressivement  révéler le rôle et le positionnement de l’Arabie Saoudite, pire bête noire des Frères musulmans.   


 


Seif Soudani


 


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