Festival Jazz à Carthage : La musique malgré tout
Le Festival Jazz à Carthage bat son plein depuis le 8 avril. L’édition 2016 a su rassembler un set d’artistes de renom, et ce, malgré une situation sécuritaire troublée en Tunisie. Le plus important événement culturel privé tunisien a également été fragilisé par les contraintes revues à la hausse par les autorités, à contre-courant de la supposée politique d’encouragement du secteur culturel et touristique.
Festival sous haute sécurité…
C’est sous haute surveillance que s’est ouvert vendredi la 11e édition de Jazz à Carthage, devenu l’un des événements musicaux de référence en Tunisie. Patrouilles et filtres policiers sur les voies d’accès à la zone touristique de Gammarth, scanners et fouilles systématiques à l’entrée des concerts : la direction du festival avait annoncé un renfort sécuritaire significatif pour rassurer le public. Alors que la précédente édition avait tenté de se rapprocher du grand public en s’installant dans le centre de la capitale, l’édition 2016 est retournée dans les quartiers huppés de la banlieue tunisoise ; une localisation qui permet de mieux en contrôler les accès.
Le public a tout de même répondu présent pour la soirée d’ouverture, tout comme aux soirées suivantes. La plupart des concerts affichaient déjà complet plusieurs jours avant le début du festival. Pour patienter dans les longues queues aux portiques de sécurité, un bar est même installé à l’extérieur de la salle de concert sous les banderoles au nom du principal sponsor, l’opérateur de téléphonie Oreedoo.
Malgré ce contretemps, le concert démarre dans une ambiance chauffée à blanc, que saura exploiter à merveille la chanteuse belge Selah Sue. Avec une présence et une voix étonnante pour son gabarit, l’interprète de Alone et This World, a lancé avec maestria une semaine de concerts qui s’annonce haute en couleurs. En deuxième partie, le groupe français Electro Deluxe a su maintenir la barre à haut niveau pour clore cette première soirée de festival. Le Britannique Charlie Winston, les Américains Terence Blanchard et Melody Gardot, ou encore la Tunisienne Amal Cherif sont les autres têtes d’affiche de ce 11e Jazz à Carthage. Un festival qui nous a habitués à allier avec subtilité valeurs sures de la scène internationale et jeunes pousses talentueuses.
… et sous contraintes
Le pari était pourtant osé. Les attentats de 2015 ont fait la une des médias internationaux, faisant fuir en masse les touristes, mais aussi les artistes. Le Festival de Carthage de l’été 2015 a ainsi été marqué par plusieurs défections de dernière minute.
À la difficulté de trouver et de rassurer les artistes, se sont ajoutées les contraintes de l’administration. Mourad Mathari, directeur de l’événement a pointé les redevances fiscales en hausse « exigibles pour la première fois en avance » et les lenteurs dans le traitement des dossiers par le ministère de la Culture. « Si nous ne payions pas nos impôts avant le début du festival, nous étions menacés d’annulation », s’est indigné M. Mathari tout en pointant l’illégalité des exigences de l’administration fiscale.
Les dates, du 8 au 16 avril, chevauchent aussi les Journées musicales de Carthage (JMC), festival public celui-ci. « Cela fait 11 ans que nous tenons notre festival à la même période », a répondu le directeur à une question pointant cette concomitance avec l’air de renvoyer la balle dans le camp du même ministère, organisateur de l’événement concurrent.
Rached Cherif