Examen du projet de loi relatif à la réconciliation, second round d’une bataille politico-légale

 Examen du projet de loi relatif à la réconciliation, second round d’une bataille politico-légale


On le croyait définitivement tombé aux oubliettes du législateur, au pire dans les tiroirs de l’Assemblée pour encore longtemps. Mais c’était sans compter la détermination de la présidence de la République et du bloc Nidaa Tounes à passer en force dans le dossier précis de la réconciliation dite économique, rebaptisée en « projet de loi organique relatif aux mesures spéciales de réconciliation économique et financière et de développement des régions ». Retour sur une séance plénière particulièrement chaotique.




 


La Commission de législation générale de l’ARP a en effet renoncé mercredi 29 juin à ses priorités législatives en faveur de l’examen à partir d’aujourd’hui du projet dit de loi relative à la réconciliation économique, en présence de 22 députés (8 étaient absents).  


 


Rejet catégorique d’al Bawsala


« Ceci prouve l’obstination de la présidence de la République et de l’Assemblée des Représentants du Peuple à faire passer cette loi malgré le refus catégorique de la part de toutes les composantes de la société civile nationale et internationale », souligne dans un communiqué l’ONG de vigilance spécialisée dans le monitoring des activités du Parlement présidée par la jeune Ons Ben Abdelkarim.


Sur les réseaux sociaux, l’ONG a lancé dans la nuit de mardi à mercredi une page dédiée à la veille anti projet de loi, sous le slogan radical « Il ne passera pas », référence au projet de loi. C’est la première fois qu’al Bawsala, réputé pour sa rigueur, s’engage et prend position aussi fermement en faveur d’une cause. C’est dire si celle-ci fait consensus au sein de la blogosphère et plus généralement auprès du public averti.  


« Ce refus avait également été exprimé par l’instance provisoire de la justice judiciaire et par l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi ou encore par la commission de Venise sur le plan international, rappelle l’organisation, qui ajoute qu’elle insiste sur le rejet total de ce projet de loi en se basant sur les considérations suivantes :


– La trahison des valeurs de la révolution, le piétinement de la dignité du peuple tunisien et la violation de la mémoire collective ;


– La violation de la Constitution de la seconde République et de la volonté des constituants relative à la rupture avec la corruption, l’iniquité et l’injustice.


– La déviation du processus relatif à la justice transitionnelle garanti par la Constitution et le non-respect des institutions de l’Etat.


– La consécration d’une culture de l’impunité et d’inégalité devant la loi entre les citoyens.


Al Bawsala réitère son rejet intégral du projet de loi et invite tous les citoyens, composantes de la société civile, presse, partis politiques et élus à se mobiliser dans le but de faire barrière à cette initiative, tout en réclamant à la présidence de la république de retirer ledit projet ou à la commission de la législation générale de ne pas l’approuver. »


Sur Twitter, certains suspectent que l’état d’urgence n’a été récemment reconduit par la présidence de la République que pour museler et interdire toute contestation de la loi dans la rue.


 


Confusion et joutes verbales à l’Assemblée  


Au Bardo, le Front Populaire est soucieux de faire passer sa propre proposition de loi, mais ce sont les interventions des députés d’Ennahdha qui étaient les plus attendues, véritable clé d’un éventuel vote lors d’une prochaine séance après l’aïd.


Et à ce jeu-là, force est de constater que le parti aux 69 sièges a fait montre d’une certaine démocratie en interne, avec des avis divergents, voire clairement opposés au projet de loi, contre toute attente de ceux qui prédisaient une entente en coulisses entre les deux droites Nidaa – Ennahdha.   


Si Samir Dilou s’est contenté de rappeler que l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi a déjà donné son verdict sur l’inconstitutionnalité de ladite loi, Yamina Zoghlami a quant à elle livré la tirade la plus radicalement opposée au texte : « Je ne comprends pas comment la présidence de la République peut concevoir un texte non conforme à la Constitution. Il hors de question d’accepter un tel texte ! », a asséné la députée.   


Pourtant, l’ancien ministre de la Justice Ennahdha Noureddine Bhiri a estimé qu’il fallait « examiner le contenu de la loi » et ne pas se focaliser sur les prérogatives de la Commission de législation générale, au prétexte qu’« il nous faut avancer »…


Car c’est sur une interrogation sur ces prérogatives que s’est achevée la plénière, qui a conclu qu’elle adresserait, sur proposition du bloc Nidaa, un courrier à la présidence de la République pour lui signifier en quoi elle est compétente ou non pour se pencher sur un tel projet de loi… Un cafouillage qui vient rappeler, si besoin était, que le pays vit encore ses premiers pas dans l’apprentissage de la démocratie.


Cliquer ici pour consulter la première version du projet de loi.


 


S.S