Lancement des négociations pour l’ALECA : aubaine ou danger pour la Tunisie ?

 Lancement des négociations pour l’ALECA : aubaine ou danger pour la Tunisie ?

Conférence donnée à l’occasion de l’ouverture des négociations pour l’ALECA à Tunis le 13 octobre. De gauche à droite : la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström commissaire européenne au Commerce


L'Union européenne (UE) et la Tunisie ont officiellement lancé aujourd'hui des négociations pour un Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA). Une démarche qui ne fait pas l'unanimité parmi les Tunisiens et notamment au sein de la société civile, même si elle est présentée par Bruxelles comme une marque de soutien à la démocratie naissante tunisienne.


 


L’ogre et le petit poucet


Le lancement des négociations a été effectué en présence de la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, en visite à Tunis, et du ministre du Commerce, Ridha Lahouel. « Les négociations vont se dérouler par étapes, qui peuvent prendre des années. Tout ce qui nous rapproche au niveau des législations et ne risque pas de nous poser problème sera approuvé. Tout ce qui ne va pas dans l'intérêt du pays, nous allons le repousser », a prévenu Ridha Lahouel lors d'une conférence de presse conjointe.


La Tunisie est liée depuis 1995 par un accord d'association avec l'UE, de loin son premier partenaire économique. La signature d'un accord de libre-échange approfondi doit toutefois permettre une convergence et une intégration plus poussées entre le marché tunisien et celui du Vieux Continent. L'UE fait valoir qu'un tel accord faciliterait l'accès des produits tunisiens à un marché « de 500 millions des consommateurs », et présente l'ouverture de ces négociations comme une preuve de son soutien à un pays qui peine à faire redémarrer son économie après la révolution de janvier 2011.


Mais plusieurs organisations et experts tunisiens pointent des risques non négligeables en cas d’ouverture réciproque des marchés, notamment en raison du manque de compétitivité de secteurs importants de l’économie de la jeune démocratie, tels que l’agriculture, et des menaces sur les droits économiques et sociaux que fait peser une potentielle déréglementation de certaines activités.


 


La société civile vigilante


Organisées en groupe de travail 26 organisations locales et internationales, dont le principal syndicat tunisien (UGTT), la Ligue tunisienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LTDH), le Réseau Euromed-Droits (REMDH), l’Association tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) et le Forum tunisien pour les Droits économiques et sociaux (FTDES), ont signé un communiqué pour rappeler les recommandations qu’elles ont formulées auprès du gouvernement tunisien et des autorités européennes à Bruxelles et pour demander la transparence des négociations.


Entre autres recommandations, ces ONG qui ont rencontré la commissaire européenne appellent les négociateurs à « renoncer aux conditionnalités susceptibles d’imposer des réformes structurelles et des politiques d’austérité défavorables aux droits économiques et sociaux des citoyens ». L’accord de libre-échange en gestion devrait au contraire tenir compte « de la compétitivité inégale entre les économies tunisiennes et européennes », estiment les signataires. Il est donc nécessaire d’« entreprendre, sans délai, des études indépendantes et actualisées d’impact multidimensionnel de l’ALECA » prenant en compte l’impact sur les disparités régionales, précarité des emplois, sous-traitance, perte d’emplois, protection sociale, etc.


Par ailleurs, concernant le Partenariat Privilégié de l’Union européenne avec la Tunisie, qui est le cadre actuel des relations entre les deux parties, le groupe d’associations souhaite qu’il s’oriente davantage vers un appui à un développement durable à travers « la maîtrise des technologies, de la sécurité alimentaire, de l’autonomie énergétique et de la gestion de l’eau ». Un développement qui passe aussi par un allègement de « l’endettement actuel de la Tunisie qui pénalise la transition démocratique » et une accélération des « procédures pour récupérer les fonds spoliés par l’ancien régime ».


Rached Cherif