Entretien Essebsi / Macron au sommet de la Francophonie
Le président Béji Caïd Essebsi s’est entretenu avec son homologue français Emmanuel Macron dans la capitale arménienne Erevan, en marge des travaux du Sommet de la Francophonie. Ce dernier avait rendu un hommage appuyé et remarqué aux efforts législatifs du président tunisien en faveur des droits des femmes.
“Alors que les obscurantistes disaient de ne pas le faire, le président Essebsi l’a fait et nous devons le soutenir dans ce combat. Nous serons là président ! Ne cédez rien ! ”… C'est en ces termes dignes d'une envolée lyrique que s’est adressé Macron à Béji Caid Essebsi, présent sur l’estrade parmi les autres chefs d’États
Le président français a salué l’apport important de la Tunisie en tant que pays fondateur de l’Organisation internationale de la Francophonie. Cet apport qui, a-t-il dit, a fortement contribué aux succès enregistrés par cette institution, notamment dans la consécration des principes de la coexistence pacifique et de la coopération entre les pays ayant le français en partage.
Il s’est également félicité de l’organisation, par la Tunisie, du prochain Sommet de la Francophonie, en 2020, se déclarant confiant en la capacité de la Tunisie, « cette démocratie naissante », à faire réussir cette importante manifestation francophone qui coïncidera avec la célébration du 50e anniversaire de l’Organisation internationale de la Francophonie.
De son côté, le président Béji Caïd Essebsi a souligné la solidité des liens d’amitié historiques qui unissent la Tunisie et la France, mais a cela dit semblé gêné lors de son interview sur France 24, au moment de commenter le vibrant hommage de Macron s’agissant des avancées en matière de droit des femmes.
C’est que pour cet héritier du nationalisme bourguibien, il est sans doute difficile de jongler entre le satisfécit desdites avancées, et la gratitude au président français, tout en n’apparaissant pas comme un état satellite d’une France qui distribuerait les bons points.
Dans ce même entretien accordé au journaliste tunisien Taoufik Mjaied, le président tunisien est apparu relativement irritable, lui qui fait ce déplacement à Erevan dans le contexte difficile de la démission de son chef de cabinet Slim Azzabi (40 ans), qui paye manifestement sa proximité affichée avec le chef du gouvernement Youssef Chahed.
Un virage dans la diplomatie française à l’égard des islamistes tunisiens ?
S’exprimant une fois n’est pas coutume en langue française, l’intellectuelle féministe Olfa Youssef a estimé que le discours de Macron « est bourré de messages cachés » et annonce un virage dans la posture française :
« Les discours officiels ne sont pas une discussion banale d'après-midi : tout terme, toute phrase, toute allusion doivent être décortiqués. […] Remarquez que l'accent a été mis non plus sur "l'exception démocratique tunisienne", mais sur l'exception bourguibienne… Mis à part l'engagement à soutenir la Tunisie, ou plutôt Essebsi dans son combat contre les obscutantismes (et non plus « les islamistes »); le plus pertinent pour moi est le passage du discours "Ennahdha représente l'islam modéré, elle est l'AKP de la Tunisie", discours que j'ai écouté de mes propres oreilles en 2012-2013, vers le discours référant aux obscurantistes qui ont une "lecture déformée" de la religion… Les glissements sémantiques sont de taille, de la taille du grand bouleversement mondial qui s'annonce… »
La question libyenne toujours au centre des préoccupations
Les deux parties ont enfin passé en revue les développements de la situation dans la région notamment en Libye.
Dans un communiqué de la présidence de la République, les deux présidents ont réaffirmé leur soutien aux efforts déployés par le Représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour la Libye, Ghassen Salama, pour impulser le processus politique en Libye et parvenir rapidement à un consensus entre les protagonistes libyens pour « parvenir à la stabilité et la sécurité dans ce pays ».
Des propos teintés d’euphémisme, lorsqu’on l’on connait l’ampleur de la résurgence de la guerre civile en Libye, et par conséquent la complexité de la tâche pour l’émissaire onusien.
Seif Soudani