Ennahdha / Youssef Chahed, duo incontournable aux prochaines élections ?
Publié le 17 février, un sondage réalisé par Sigma Conseil révèle un important recul pour Nidaa Tounes dans les intentions de vote au profit d’une importante percée pour le tandem Ennahdha et Youssef Chahed respectivement aux législatives et à la présidentielle. Retour sur un weekend politique agité.
Accueil hostile de Rached Ghannouchi à Moknine dimanche, où son cortège sous haute protection a dû quitter précipitamment la ville
Ainsi selon ce baromètre politique de référence en Tunisie, Ennahdha occupe la première place des intentions de vote avec 33,3%, et Nidaa Tounes est second avec 15,5%, alors qu’avant la récente crise existentielle du parti présidentiel, les deux partis étaient jusqu’ici au coude-à-coude.
Plus loin on retrouve Attayar (Courant démocrate) avec désormais seulement cinq points d’écart (10%), en quatrième position la gauche radicale du Front populaire qui stagne à 8,9%, et enfin le Parti destourien libre (issu du RCD dissout) qui fermerait la marche avec 6,5% des intentions de vote si des élections législatives se tiendraient aujourd’hui.
S’agissant de la présidentielle, l’actuel chef du gouvernement Youssef Chahed se hisse à la première place avec un retentissant 30,7% d’intentions de vote selon Sigma, suivi par le juriste pro révolution Kaïs Saïed désormais en seconde position avec 12,5%. Fort décrochage en revanche pour le président de la République Béji Caïd Essebsi est en troisième position avec 10,8%.
L’ancien président Moncef Marzouki est en quatrième position, avec 9% selon les résultats du même sondage. Un score qu’il conteste cependant : lors d’un meeting hier à Sousse, il a estimé que ce type de sondage est « douteux » et « ne sert qu’ à orienter l’opinion publique ».
Reste qu’un tiers des personnes interrogées déclarent ne pas encore avoir tranché concernant leur participation ou non aux prochaines élections d’octobre et novembre 2019, ce qui laisse présager d’un fort taux d’abstention, à l’image du record de l’abstentionnisme aux municipales de mai 2018.
Meeting "Tahia Tounes" à Paris, samedi 16 février, photo LCDA
Weekend politique mouvementé
Malgré les 8 mois qui nous séparent encore de ces échéances électorales, le weekend du 16 et 17 février sentait le souffre des préparatifs électoraux avancés, de Paris à Moknine, région du Sahel tunisien.
Samedi, la tenue par Slim Azzabi à Paris d’un meeting électoral de « Tahia Tounes » le nouveau parti appartenant officieusement à l’actuel chef du gouvernement (photo ci-dessus), lui-même concomitamment en visite d’Etat à Paris, faisait logiquement polémique.
En cause, des suspicions de mélange des genres, « à l’ancienne », et de mobilisation des moyens de l’Etat à des buts partisans. D’autant que selon l’une de nos sources présentes sur place souhaitant garder l’anonymat, on pouvait noter la présence éthiquement problématique à ce meeting politique d’un certain nombre de cadres de structures étatiques tels que des responsables de Tunisair, de la Maison de Tunisie, ou encore des collaborateurs de l’ambassade tunisienne à Paris.
Cette controverse du retour à une dynamique du « parti Etat » ne manquera pas d’être soulevée par les adversaires politiques de Youssef Chahed dont la candidature à la présidentielle n’est pas encore officiellement confirmée, mais quasiment acquise.
En déplacement quant à lui dans la délégation de Moknine à Monastir, le leader d’Ennahdha Rached Ghannouchi a été accueilli aux cris de « Dégage ! », de « Vive Bourguiba ! », et « Vive Ben Ali » (vidéo ci-dessus), dans ce bastion nationaliste pro destourien. Un accueil mouvementé, à deux doigts de l’agression physique, qui vient là aussi rappeler que même pour les favoris, la campagne électorale, sur fond de regain des tensions idéologiques, sera loin d’être une partie de plaisir.
Seif Soudani