En Tunisie, le couvre-feu se normalise

 En Tunisie, le couvre-feu se normalise


Allégé en début de semaine à 22h00 au lieu de 20h00, le couvre-feu décrété sur l’ensemble du territoire suite aux troubles sociaux perdure et se normalise, dans une certaine indifférence, hormis les professionnels de l’évènementiel et une jeunesse excédée par cette « assignation à domicile collective » synonyme d’ennui. Depuis jeudi, le gouvernement, via le service communication du ministère de l’Intérieur, tente visiblement de recentrer le débat autour de la menace terroriste, comme pour justifier le bienfondé du maintien du couvre-feu.




 


Le ministère de l'intérieur a en effet annoncé que des unités de la garde nationale ont effectué plusieurs descentes dans les quartiers populaires de la capitale et ont « arrêté un individu suspecté d'appartenir à une organisation terroriste », et ce après avoir procédé à la perquisition de 14 habitations. Le ministère se flatte d’un bilan de 174 personnes arrêtées le même soir, qui seraient recherchées par la justice.


Nous sommes en réalité face à un mélange des genres : la campagne sécuritaire des rafles et descentes ayant succédé à l’attentat du 23 novembre est censée être terminée avec la fin du couvre-feu qui avait succédé à l’attentat. Mais voilà que l’on reparle de la thématique du terrorisme qui se confond avec la contestation sociale, grâce aux ressorts de la communication.


« Nous en avons marre des happy hour », s’agace un jeune fêtard tunisois, allusion aux boissons alcoolisées en promotion jusqu’à 20h, heure à laquelle la plupart des bars entament leurs fermetures par crainte de représailles. Vendredi, le propriétaire d’une grande agence spécialisée dans l’évènementiel, qui avait jadis organisé des events à succès dont Ephémère, Djerba Fest et les Dunes, se voit dans l’obligation d’annuler un évènement prévu de longue date. Dans ce secteur, le manque à gagner est évident, surtout s’il n’y a pas rapidement un assouplissement à minuit.


Alors qu’en France le débat de société fait rage autour de la constitutionalité de l’état d’urgence, remis en cause par le Conseil d’Etat à la demande de la LDH, la Tunisie n’a pas encore de Cour constitutionnelle. En attendant, les récits d’abus se multiplient, et la combinaison état d’urgence – couvre-feu semble l’état naturel préféré des autorités et de la police, qui peuvent régner en maître sur la rue dès la tombée de la nuit.


Depuis le Bahrein où il est en visite d’Etat, le président de la République Béji Caïd Essebsi s’est livré vendredi à une analyse politique polémique : « Nous avons réussi à vaincre l’extrémisme islamique… Mais l’extrémisme n’est pas l’apanage des islamistes. Il existe un extrémisme de gauche plus féroce encore que son homologue islamiste, et nous sommes aussi en train de le combattre »… Derrière les mesures sécuritaires, l’idéologie n’est jamais bien loin.


 


S.S