En difficulté, l’initiative présidentielle pourrait être reportée

 En difficulté, l’initiative présidentielle pourrait être reportée

Houcine Abbassi


Nous évoquions hier 27 juin les errements de l’initiative de gouvernement d’union nationale, en ballotage depuis le retrait du Front Populaire, principale formation de gauche du pays. Toujours dans le souci de donner une façade sociale à son projet de grand remaniement, le président de la République Béji Caïd Essebsi a reçu aujourd’hui mardi Houcine Abbassi, secrétaire général de l’UGTT encore auréolé de son Nobel. Cela suffira-t-il à sauver l’initiative ? Rien n’est moins sûr. Explications.




 


« La patate chaude »


Au même moment où Abassi était reçu au Palais de Carthage en fin de matinée, le numéro 2 de la centrale syndicale apportait un sérieux bémol à cette visite. Le secrétaire général adjoint et porte-parole de l’UGTT a en effet indiqué aujourd’hui mardi sur les ondes de la radio économique Express FM que « l’annonce des priorités du gouvernement d’union nationale, initialement prévue pour demain, sera reportée pour un délai plus raisonnable compte tenu de l’importance de la question. Cela devrait prendre quelques semaines… ».


Il s’agit en réalité d’un désaveu exprimé en des termes politiquement corrects. Selon nos sources dans un parti d’opposition réuni avec le même Houcine Abbassi samedi, ce dernier a exprimé un grand scepticisme à l’égard de l’initiative présidentielle, ajoutant que la présidence n'a rien proposé comme plan de sortie de crise, « aucune vision », ce qui laisse penser que l’UGTT préfère le maintien d’Habib Essid jusqu’aux municipales, conformément à l’avis de l'opposition.    


Ceci explique que, quitte à participer, l’UGTT entend désormais prendre les choses en main. Début juin, Essebsi avait fait miroiter au syndicat la possibilité de l’intégrer au prochain gouvernement. Aujourd’hui Sami Tahri affirme que l’UGTT « ne souhaite pas placer de ministres dans le nouveau gouvernement et que la centrale syndicale n’est absolument pas concernée par le pouvoir ». En revanche, selon la même source, une assemblée de travail se tiendra dès demain mercredi 29 juin afin que tous les acteurs concernés rendent leurs copies et définissent leur orientation concernant les priorités et objectifs du nouveau gouvernement…


La lutte contre le terrorisme et « l’impulsion de la croissance économique et le développement des régions, via plus de justice fiscale » devraient être les deux grands axes du brouillon de l’UGTT.


 


Ennahdha botte en touche


Mardi toujours, Ajmi Lourimi, ancien porte-parole et actuel membre du bureau exécutif d’Ennahdha, a déclaré que la présidence de la République et Nidaa Tounes « sont les premiers concernés par la désignation d’un nouveau chef du gouvernement »… Rapporte la TAP. Une façon de se déresponsabiliser de ce dilemme en tant que parti certes au pouvoir, d’autant que le bloc Nidaa Tounes a regagné de nombreux sièges avec la réintégration ces dernières semaines d’une dizaine de députés démissionnaires.   


Lourimi a précisé que « la personnalité désignée devra avoir une dimension politique et être issue d’un consensus. Ceci est nécessaire pour garantir la réalisation des réformes, fournir une stabilité sociale et économique et pour matérialiser les priorités objet du dialogue entre les partis ». Autant dire que trouver cette perle rare sera une tâche ardue…


Légaliste, l’homme a enfin souligné que le parti était attaché à la constitution d’un nouveau gouvernement « sur la base des résultats des élections de 2014 et non sur la base des évolutions connues par certains partis durant la période qui a suivi », un point de vue pour le moins discutable, avant de conclure que Rached Ghannouchi souhaitait que les consultations autour du nouveau gouvernement « ne durent pas au-delà du mois de ramadan même si cela parait difficile »… Tout indique que nous nous dirigeons vers une arlésienne.


 


Seif Soudani