Emeutes : la crise s’installe dans la durée

 Emeutes : la crise s’installe dans la durée

Habib Essid


Malgré un relatif retour au calme en ce début de semaine, des affrontements et des barricades de pneus brûlés ont été enregistrés hors de l’épicentre de Kasserine où ces troubles avaient commencé, les plus importants depuis la révolution. Des diverses tractations politiques en cours, il ressort que la classe politique reconnaît son impuissance à penser une sortie de crise.




 


Un bilan embarrassant pour les autorités  


Lundi, à Regueb et Mazzouna (Sidi Bouzid), les forces de l’ordre ont eu recours au gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Scénario à répétition depuis quelques jours : des sit-in se forment devant le siège des délégations chaque fois que la rumeur court qu’une liste de demandeurs d’emploi va être régularisée.


Au Kéf et Siliana, et dans la zone touristique de Sousse, des manifestations qui bravaient l’état d’urgence ont aussi dégénéré. A El Guettar (Gafsa), un petit groupe de manifestants a construit un muret sur le chemin de fer desservant le transport du phosphate vers Gabès. Mardi matin, des manifestants ont bloqué la route nationale numéro 15 à Gafsa.


Depuis le début de la révolte dite de Kasserine, 1105 personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue. Parmi eux 523 « ont participé à des actes de vandalisme et de pillage » selon les termes des autorités, et 582 n'ont pas respecté le couvre-feu décrété sur l'ensemble du pays. Des chiffres qui illustrent l’ampleur exceptionnelle des derniers évènements.


De son côté le colonel-major Khalifa Chibani, porte-parole de la direction générale de la Garde nationale, a indiqué que 114 agents et officiers ont été blessés dans ces incidents, 35 véhicules ont été vandalisés et six brûlés dont un appartenant aux douanes en marge du saccage des locaux de la douane à Kairouan. Cinq postes de police ont par ailleurs été incendiés et treize autres ont subi divers dégâts, en plus de huit établissements administratifs.


 


Impasse politique


Compliquant davantage encore la donne, deux mille manifestants de divers corps des forces de l’ordre ont manifesté devant le Palais de Carthage pour réclamer des droits et économiques et sociaux. Dans ce qui s’apparente plus à une mise en scène, une délégation de policiers syndicalistes a été reçue par le président de la République, filmés dans son bureau par le service communication du Palais.


Pendant ce temps, le chef du gouvernement Habib Essid recevait les chefs des grands partis politiques qui ont défilé à la Kasbah. Particulièrement remarquées, les délégations du Front Populaire, parce que ce dernier se fait discret depuis le depuis de la crise, et celle de Nidaa Tounes, parce qu’elle confirme la mainmise de Hafedh Caïd Essebsi sur ce parti. Le fils du président a même adressé une invitation à Essid pour assister à la prochaine réunion du bureau exécutif du parti, initiative aussitôt décriée par Faouzi Elloumi, l’un des dissidents de Nidaa.


Lassée par les querelles politiciennes qui continuent cyniquement même au pire de la crise, de plus en plus de Tunisiens ne se reconnaissent plus dans leurs élites politiques. Ils n’attendent déjà plus grand-chose de la grande conférence nationale sur l’emploi vers laquelle on se dirige, succédané qui se contente de reconduire la recette orthodoxe du nobélisé dialogue national.


 


Seif Soudani