Emanuel Macron et la Tunisie : histoire d’un mauvais départ ?

 Emanuel Macron et la Tunisie : histoire d’un mauvais départ ?


Le favori de la présidentielle française avait-il été mal reçu lors de sa visite de courtoisie et de lobbying en novembre dernier en Tunisie ? La polémique enfle depuis que cette visite s’est rappelée au bon souvenir des élites politiques et intellectuelles du pays, au terme d’un succès pourtant sans grand surprise du candidat d’En Marche au premier tour de l’élection pour la conquête de l’Elysée.



Lors de cet unique entretien médiatique effectué en marge de sa visite tunisienne, Macron avait notamment promis sur les ondes d’Express FM que s’il était aux commandes de la France, il ferait un effort sur la conversion de la dette tunisienne


D’aucuns reprochent en effet aujourd’hui rétrospectivement collaborateurs et conseillers du président Béji Caïd Essebsi de ne pas avoir jugé bon de le recevoir à l’époque, ayant pronostiqué qu’il n’était alors pas l’un des favoris pour la présidentielle, « contrairement à Fillon » et avant lui à Nicolas Sarkozy, reçu avec les honneurs en juillet 2015, Nidaa Tounes ayant à l’époque conclu un accord de jumelage avec le parti de droite Les Républicains.


A-t-on parié sur le mauvais cheval ?


Organisateur de cette visite, tout comme il avait organisé auparavant celles de DSK en Tunisie, le franco-tunisien Karim Guellaty fondateur du Groupe Link Up spécialisé dans le conseil économique et politique est intervenu sur les réseaux sociaux hier lundi pour « rétablir quelques vérités », étant le mieux placé pour le faire :


« Je crois qu'on a raconté à peu près tout ce qui pouvait être raconté sur le voyage d'Emmanuel Macron en Tunisie. Rétablissons donc quelques vérités : Emmanuel Macron est venu en Tunisie mais ne s'était alors pas encore déclaré candidat. Il a, non pas été ignoré, mais au contraire, très bien reçu. Il a ainsi pu rencontrer deux de nos nobélisés de la paix. Il a eu un déjeuner privé avec la présidente de l'UTICA, prix Nobel de la paix. Il a été reçu plus d'une heure et demi par le ministre de l'investissement Fadhel Abdelkefi, alors que nous étions à moins de trois semaines de la conférence internationale Tunisie 2020 et donc avec un planning plus que chargé. Il a été accueilli au Bardo pour aller se recueillir devant le mémorial aux victimes de l'attentat. Il a rencontré également Mourad Fradi, l'un des deux commissaires de la conférence Tunisie 2020. Il a rencontré Hafedh Caid Essebsi, dirigeant de Nidaa Tounes pendant plus d'une heure. Plus de nombreuses rencontres avec des personnalités de la société civile.


Il n'a ni été boudé par les autorités ni été ignoré, mais au contraire, Emmanuel Macron a pu rencontrer tous ceux qu'il pouvait rencontrer compte tenu des contraintes d'agendas compliquées de tout le monde d'une part, et d'autre part au regard du fait que le voyage qui devait être initialement en décembre, a été avancé au dernier moment en novembre. Modification liée au fait qu'Emmanuel Macron souhaitait faire son premier voyage hors UE, en Tunisie. Ce n'est pas absolument pas le président de la République qui a organisé la rencontre entre Hafedh Caied Essebsi et Emmanuel Macron, rencontre qui faisait tout simplement parti du programme. Quoi de plus logique pour le fondateur d'un mouvement que de rencontrer le dirigeant du mouvement qui est arrivé premier aux dernières élections.


Last but not least, le président de la République n'a pas refusé de le rencontrer, il n'a tout simplement pas été sollicité au regard des délais très court de la décision sur les dates de ce voyage. Cessons donc de nous flageller, il a été ravi de son séjour et des rencontres qu'il a pu faire. Fin de la tornade dans le verre d'eau. »


Qui croire donc ? Il faut en tout cas garder à l’esprit que Karim Guellaty, bien que « insider », défend aussi sa marque et soigne son travail de communication.  


Pour l’ancienne députée de l’Assemblée constituante Karima Souid, « Béji Caïd Essebsi n’a pas pu rencontrer Emmanuel Macron car la visite de ce dernier est non officielle et contraire à la politique étrangère franco-tunisienne à ce moment-là. Diplomatie oblige. Macron n’était plus ministre. Précision de taille. Et il a bien fait. »


Une source digne de foi nous a en revanche indiqué que la rencontre avec Hafedh Caïd Essebsi s’est faite au dernier moment, in extremis, à l’aéroport… Par ailleurs, Youssef Chahed, chef du gouvernement en fonction à l’époque, n’avait pas non plus jugé bon de rencontrer Macron.


Lors de sa visite en Algérie, certes en février dernier, lorsque son statut de favori se précisait, Emmanuel Macron avait été reçu avec les honneurs, par le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Le candidat français avait en outre été traité en tant que quasi président par la présidence de la République algérienne : ainsi les voitures de la présidence avaient été mises à sa disposition, et une visite du Mémorial du martyr d’Alger a aussi été organisée, en plus d’une grande réception où Macron a diné avec les représentants du forum des entrepreneurs algériens…


Il ne reste donc qu’à espérer pour le pouvoir tunisien que le nouvel homme fort de l’Elysée n’est pas rancunier et qu’il n’en tiendra pas rigueur à ses hôtes de Carthage.  


 


Seif Soudani