Drame de Sabala : grève générale à Sidi Bouzid
Sans préavis, une grève générale est observée depuis aujourd’hui lundi 29 avril à Sidi Bouzid, ville symbole de la révolution tunisienne, et ce à l’appel de l’Union régionale du travail (URT) après le dramatique accident de la route de la Sabala qui a coûté la vie à 12 personnes dont des ouvrières agricoles et grièvement blessé 20 autres.
L’ensemble de la région au centre du pays connaît une paralysie dans les établissements publics, à l’exception des services urgents. Mohamed Lazhar Gamoudi, secrétaire général de l’URT, a indiqué que la grève est dédiée à la mémoire des victimes de l’accident de Sabala, ainsi qu’à la situation de la localité de Blahdia qui souffre de marginalisation et de mauvaises conditions de vie, « là où les ouvrières sont obligées d’aller travailler dans les exploitations agricoles dans des conditions précaires ».
Douze personnes, dont sept femmes transportées à l'arrière d'une camionnette, une pratique courante, vers les champs de tomates où elles devaient travailler, ont été tuées samedi dans un accident de la route, ont indiqué la protection civile et le ministère de la Santé selon un bilan provisoire.
Colère et indignation nationale
L’URT a appelé le gouvernement à œuvrer à la création d’emplois dans la région, notamment dans les zones irriguées, et à lutter contre le transport anarchique et non sécurisé des ouvrières. Le syndicat a également appelé les autorités régionales à décréter ce lundi jour de deuil à la mémoire des victimes de l’accident meurtrier de Sabala.
Une marche de solidarité, à la mémoire des victimes, a en outre été organisée ce lundi matin par des habitants de Sidi Bouzid et des représentants de partis, d’associations et d’organisations. La marche a pris le départ devant l’union régionale de travail et parcouru l’avenue principale de la ville.
Au niveau du siège du gouvernorat, les participants ont scandé des slogans hostiles au pouvoir et appelé le gouvernement Chahed à démissionner et revendiquant le droit constitutionnel au développement et à l’emploi.
Rassemblés Place Mohamed Bouazizi, des activistes de la société civile ont exprimé leur colère contre la politique de négligence menée par le gouvernement à l’égard des régions de l’intérieur.
De nombreux Tunisiens ont protesté sur les réseaux sociaux contre les conditions dans lesquelles les ouvrières journalières de l'agriculture sont souvent transportées, entassées à l'arrière de camionnettes, « comme du bétail ». De nombreuses besognes manuelles aux champs sont en effet effectués par des femmes en Tunisie, notamment en raison du salaire inférieur qu'elles acceptent.
Critiquée pour la teneur de ses déclarations à chaud, la ministre de la Femme, de la famille, de l’enfance et des séniors, Naziha Laabidi a précisé dimanche que le cahier des charges organisant le transport des ouvriers et ouvrières agricoles est prêt depuis fin 2016 mais n’a pas été exécuté en raison du non amendement de la loi n° 33 de 2004 relative au transport terrestre. Laabidi ne nie pas la responsabilité du gouvernement dans cet accident, mais souligne que « la responsabilité incombe à tout le monde, à commencer par le conducteur ».
Des composantes de la société civile et des organisations nationales ont accusé le gouvernement de « se dérober à ses responsabilités et d’ignorer les besoins pressants des catégories vulnérables et à faible revenu », au moment où des sources gouvernementales annoncent un programme de régularisation destiné aux bénévoles parmi les particuliers souhaitant aider au transport des ouvrières via leur propre véhicule.