Tunisie. Discrètement, les autorités tirent les leçons de l’après attaque de Djerba

 Tunisie. Discrètement, les autorités tirent les leçons de l’après attaque de Djerba

Hassine Gharbi, nouveau commandant en chef de la Garde nationale

La Garde nationale tunisienne a annoncé ce weekend l’arrestation d’un membre présumé du groupe Etat islamique (EI) en possession de matières explosives, qui planifiait « quatre opérations terroristes simultanées dans le pays », à l’approche de la saison estivale. Pour l’opposition, il s’agit d’une maigre prise, par laquelle on tente visiblement de faire oublier que trois semaines après l’attaque de Djerba, l’enquête patine.  

« L’élément terroriste » en question a été arrêté dans la ville de Sfax, à 270km de la capitale. « Il a planifié ces opérations en coordination avec d’autres personnes en dehors de la Tunisie », a toutefois précisé le porte-parole de la Garde nationale, Houcem Eddine Jebabli.

Présenté en comparution immédiate devant le Pôle antiterroriste, ce dernier a émis un mandat d’arrêt à son encontre, selon la même source. « C’est un partisan de Daech », a ajouté Jebabli, mais sans donner davantage de détails. Acronyme de l’Etat islamique, voilà plusieurs années que le terme « Daech » n’était plus revenu dans les médias nationaux, tant on pensait l’entité éradiquée dans le pays.

Depuis l’attaque meurtrière perpétrée le 9 mai par un gendarme aux abords de la synagogue de la Ghriba sur l’île de Djerba pendant le pèlerinage annuel juif, discrètement, le pouvoir a renforcé les mesures de sécurité, visibles notamment dans la multiplication des barrages et le port de gilets pare-balles par l’ensemble des policiers sur le terrain, y compris pour les policiers de la circulation. Mais ce n’est pas tout : l’exécutif procède par ailleurs depuis peu, sans grand bruit, à des changements majeurs dans la chaîne de commandement. Une discrétion qui laisse à penser que l’on ne veut pas admettre la préexistence de défaillances ou d’infiltrations au sein de la hiérarchie.

Car depuis l’attaque de Djerba, où trois gendarmes et deux fidèles – un Israélo-tunisien et un Franco-tunisien – avaient été tués par les tirs de l’assaillant, l’enquête est officiellement au point mort. Rien n’en a filtré en effet, hormis le fait que quatre personnes en lien avec l’assaillant, soupçonnées d’être impliquées dans cette opération, ont été arrêtées et placées en garde à vue, d’après des médias locaux.

A ce jour, les autorités tunisiennes parlent d’attaque « criminelle », mais se gardent bien de la qualifier de « terroriste » ni même de lui conférer une dimension antisémite. Une rhétorique du « circulez il n’y a rien à voir », dont les ramifications remontent à un long historique du déni, parfois grotesque, où sous le régime Ben Ali, avant l’ère du web, on a un temps tenté de dissimuler de la même façon la nature de l’attentat kamikaze qui avait fait 19 morts, même endroit.

Kamel Feki, ministre de l’Intérieur, et Hassine Gharbi lors de sa cérémonie d’investiture

Nomination d’un nouveau commandement en chef de la Garde nationale

Le ministère de l’Intérieur a par ailleurs annoncé le 24 mai 2023 la nomination du colonel-major Hassine Gharbi en tant que commandant en chef de la Garde nationale. Dans le même communiqué laconique, on apprenait simplement que son prédécesseur à ce poste clé, le colonel-major Fadhel Guezguez, « sera appelé à d’autres fonctions ». Pour rappel, Fadhel Guezguez n’aura pas bouclé une année, nommé à ce poste fin juillet 2022.

Qui est Hassine Gharbi ? Sa nomination revêt-elle un caractère symbolique ? En parcourant son CV, on comprend que l’exécutif veut désormais clairement un spécialiste, un homme précisément issu du sérail antiterroriste.

Formé à Liège en Belgique, et jusque-là à la tête de l’Unité spéciale de la Garde nationale USGN (qui compte à elle seule l’élimination d’une centaine de terroristes depuis 2011), le colonel-major Hassine Gharbi a à son actif une longue expérience de commandement opérationnel. Expert reconnu de la lutte contre le terrorisme, il a conduit au cours de la décennie écoulée de grandes opérations devenues références en la matière. Parmi elles, celle menée en 2015 à Sidi Yaïche, à Gafsa en 2015, ayant permis d’abattre Lokman Abou Sakhr, un chef local de l’EI, ainsi que huit autres de ses complices jihadistes.

Cette expérience, Gharbi la détient aussi du périmètre d’intervention des troupes d’élite de l’USGN qui ne se limite pas aux zones rurales, hors des villes et agglomérations, mais s’étend à l’ensemble du territoire tunisien : ports et aéroports, gares, villes et villages, édifices publics et entreprises, « partout où la sécurité est menacée, où une attaque est commise, où un attentat, une prise d’otage ou autre acte criminel risque de survenir », selon les attributions de l’Unité. Environ 80% des opérations antiterroristes ces dix dernières années ont été menées par l’USGN.