Tunisie : Deuxième audience chaotique au méga procès du « complot contre l’Etat »

 Tunisie : Deuxième audience chaotique au méga procès du « complot contre l’Etat »

Deuxième audition d’un procès historique

La séance inaugurale avait déjà été agitée, chahutée par les familles des opposants politiques ainsi que les avocats. En ce vendredi 11 avril, la deuxième audience de ce procès historique s’est déroulée dans des dispositions similaires, malgré les dispositions prises par le Parquet.

Car en arrivant tôt ce matin aux abords du Tribunal de première instance de Tunis, on apprenait que des précautions exceptionnelles avaient été décidées par le procureur de la République, eu égard au désordre constaté lors de la première audience : désormais seuls un membre unique de la famille de chaque accusé est autorisé à franchir les portes du Palais de justice. Visiblement blacklistés, certains journalistes se sont également vu refuser l’accès à la salle d’audience.

Pour la défense et les familles, la coupe est pleine : déjà révoltées par le principe controversé du procès à distance sans la présence des prévenus, c’est donc un palier supplémentaire qui est franchi dans l’étau qui se resserre autour des minimas en matière de procès équitable.

 

Un procès hors normes, aux limites de la faisabilité

Cette nouvelle audience de ce procès sans précédent de plus de 40 personnalités tunisiennes jugées pour complot contre la sûreté de l’Etat a logiquement été marquée vendredi par les protestations des familles et des avocats de détenus, dont certains en grève de la faim pour exiger de comparaître physiquement.

Responsables de partis, avocats, hommes d’affaires, figures des médias : une quarantaine de figures high profile sont poursuivies pour « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat » et « adhésion à un groupe terroriste », parmi pas moins de 17 chefs d’accusation au total.

« Liberté, liberté, magistrature aux ordres ! », hurlaient en ouverture et en clôture de l’audience des familles, compensant la baisse de leur nombre avec la vigueur de leurs voix. Refusant d’être entendus en vidéoconférence, six prévenus dont le juriste Jawhar Ben Mbarek et un ancien haut cadre du parti Ennahdha, Abdelhamid Jelassi. La séance a dû être levée dans un premier temps.

« Vous avez privé des accusés de leurs droits les plus élémentaires, ce qui se passe est injuste et inhumain ! », a protesté à la barre l’avocate Dalila Mssadek, la soeur de M. Ben Mbarek, précisant que celui-ci a « arrêté de se nourrir depuis 13 jours et les cinq autres depuis trois jours ». Celle-ci a par ailleurs contesté le pouvoir de juger du tribunal, qui selon elle « ne dispose même pas du pouvoir de ramener les accusés dans la salle ».

Bassem Trifi, un autre avocat de la défense et président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) a quant à lui déploré « procès inique » : « Je ne peux pas me permettre de plaider en l’absence des accusés. Je ne participerai pas par conséquent à un processus qui ne respecte ni les avocats ni les accusés », a-t-il déclamé.

Ayachi Hammami, autre avocat premier plan, a expliqué au nom de la défense être venu « pour marquer notre présence ». Poursuivant « mais nous refuserons comme la dernière fois d’être auditionnés, en solidarité avec les autres accusés », qui refusent des audiences à distance, a-t-il réitéré.

Les accusations contre les prévenus, passibles de lourdes peines de prison pouvant aller jusqu’à la peine capitale, sont des « affabulations fantaisistes », a fustigé avant l’audience Ahmed Néjib Chebbi, président du Front de salut national (FSN), principale coalition de l’opposition. « Rien ne permet d’affirmer l’existence d’une entente entre les accusés pour recourir à des moyens violents ou illégaux en vue de parvenir à un changement de forme du gouvernement », conteste M. Chebbi, également accusé dans la même affaire mais qui comparaissait libre.

Il est entre autres reproché à un certain nombre de mis en cause, selon la défense, d’avoir eu des contacts jugés suspects avec des diplomates. Des représentants de la France, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique et de l’Union européenne assistaient à l’audience mais aussi des ONG tunisiennes telles que le FTDES et le journaliste tunisien Zied el Héni se sont vu interdire l’accès à ce procès qui promet d’être aussi long que fastidieux tant pour le pouvoir que les prévenus.