Deux jours de grève générale en février : l’escalade tant redoutée

 Deux jours de grève générale en février : l’escalade tant redoutée

Tunis


La commission administrative de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a décidé d’observer une deuxième grève générale dans la fonction publique et le secteur public les 20 et 21 février prochains, dans la foulée de la première jugée « réussie à 99% », annonce le secrétaire général de la centrale syndicale Noureddine Tabboubi.  


Ce qui fut considéré par l’ensemble des dirigeants de l’UGTT comme « le succès national » de la grève générale du jeudi 17 janvier dernier, qui a mobilisé près d’1 million de salariés, ne pourrait être qu’un tour de chauffe, face à la spirale de la surenchère graduelle qui se prépare déjà dans les coulisses de la Place Mohamed Ali, si les pourparlers continuent de bloquer.


 


Un puis deux puis trois jours voire sine die ?


Ainsi à l’issue des travaux de la commission administrative tenue à Hammamet, Tabboubi a indiqué que la décision d’une grève générale, de deux jours consécutifs cette fois, a été prise en raison de l’échec des négociations avec le gouvernement sur les augmentations salariales et le réajustement du pouvoir d’achat des travailleurs dans la fonction publique (jusqu’à +180dt), ainsi que « la non application de certains articles du procès d’accord relatif au secteur public ».


Le numéro 1 de l’UGTT a par ailleurs réitéré les ambitions politiques de l’organisation, en précisant que l’objectif n’est pas la grève générale en soi mais « trouver des solutions pour assainir le climat social et réaliser une stabilité sociale afin d’organiser des élections libres, indépendantes et démocratiques dans les délais et parachever la mise en place des instances constitutionnelles pour réussir la transition démocratique ».


L’homme persiste et signe donc en cultivant cette envergure bien tunisienne du statut particulier de l’UGTT, qui tend à transcender l’activité strictement salariale, en réitérant le rôle qu’elle se donne de « défendre la souveraineté nationale et l’indépendance de la décision nationale ». Une allusion à ce que d’aucuns appellent le « gouvernement du FMI » de Youssef Chahed.  


Et à en croire la réaction du fraîchement investi ministre chargé de la Fonction publique Kamel Morjane, le scénario de l’escalade est bien parti pour se réaliser. Ce dernier s’est dit en effet « très surpris par cette décision de deux jours de grève » au micro de Shems FM hier dimanche. Il est vrai que Morjane, ancien multi ministre de Ben Ali et ancien cadre du RCD, est issu d’une époque où la gestion de telles situations de fronde n’était pas à l’ordre du jour.  


 


Essebsi concerné au même titre que l’UGTT par la présidentielle 2019


Allié pour certains officieux de l’UGTT dans le conflit qui l’oppose au gouvernement Chahed, le président Béji Caïd Essebsi a rendue publique ce weekend via ses lieutenants Ridha Belhadj et Faouzi Elloumi son intention de se présenter à nouveau à l’élection présidentielle de 2019 pour être candidat à sa propre succession, à l’âge de 92 ans.


Dans le triptyque destouriens VS Ennahdha VS UGTT qui s’annonce électoralement féroce, l’auteur pamphlétaire Nicolas Beau compare dimanche Chahed à Emmanuel Macron : « Dans un pays qui court à la faillite économique et où seules deux grandes forces, l’UGTT et le mouvement islamiste, incarnent le pays réel, Youssef Chahed n’a probablement pas d’espace politique pour se présenter aux présidentielles de 2019. Combien de temps encore le jeune chef de gouvernement croira-t-il à un effet Macron en Tunisie ? ».


Qu’à cela ne tienne, le quadragénaire Chahed continue de jouer la carte du patriotisme économique en rappelant aux Tunisiens à chaque occasion le coût faramineux de la grève générale pour le pays (estimé à plusieurs dizaines de millions de dinars en coûts directs), tout en s’évertuant à expliquer que des hausses salariales dans la situation actuelle du pays seraient neutralisées par une hausse supplémentaire de l’inflation.    


En attendant le dinar tunisien est au plus bas dans son glissement face au dollar américain et à l’euro, respectivement à 3,02dt et 3,43dt. Pour la vice-présidente du Cercle des Economistes Arabes Hèla Yousfi, deux problèmes majeurs persistent en Tunisie : le fait que les régions n'ont pas les moyens financiers et humains pour être réellement autonomes, et que Chahed « gère la Tunisie comme on gère une entreprise ».


 


Seif Soudani


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