Tunisie. Dette extérieure : Bank of America tire la sonnette d’alarme

 Tunisie. Dette extérieure : Bank of America tire la sonnette d’alarme

Spécialisée dans l’audit financier, la BofA Securities, anciennement Bank of America Merrill Lynch, est la division chargée des activités de banque d’investissement de la Bank of America. Cette dernière vient de publier un rapport accablant sur la situation des finances publiques en Tunisie.

L’économiste tunisien Ezzedine Saïdane rappelle que cette institution financière est considérée comme une référence aux Etats-Unis et à l’échelle internationale dans le conseil et la gestion des risques.

Selon le rapport de la banque, le budget complémentaire 2021 de la Tunisie met en évidence « un tarissement des ressources financières de l’Etat qui devrait s’intensifier en l’absence de réformes et d’un accord avec le FMI ». Après quelques efforts fin novembre de la part du gouvernement Najla Bouden en vue d’une relance des négociations avec le FMI, celles-ci sont en effet actuellement au point mort.

Le même texte prévoit que le déficit du financement externe du pays pourrait atteindre 1,9 milliard de dollars américains soit l’équivalent de 5,6 milliards de dinars (4,3% du PIB) à l’horizon du quatrième trimestre de l’année en cours. Ce qui pourrait entraîner des impayés et des pénuries d’importations. Celles-ci se font déjà sentir, puisque plus de 500 médicaments, dont certains sont vitaux, sont notamment aujourd’hui introuvables en Tunisie.

« Notons également que la monétisation de cet écart doublerait le rythme de financement de la banque centrale par rapport à 2020 et accélérerait la baisse des réserves de change », poursuit BofA Securities.

 

Absence de vision économique

Par ailleurs, le rapport de la banque américaine estime que l’absence d’un point d’ancrage clair de la politique économique diminue les chances d’aboutissement d’un programme de crédit du Fonds monétaire international, du moins à court terme.

« S’il est important que le président Kais Saïed ait donné son feu vert pour engager officiellement des pourparlers sur le programme avec le FMI, la marge de manœuvre du gouvernement reste incertaine, en partie en raison de la transition politique en cours », déplore BofA, visiblement très au fait des limites des prérogatives du gouvernement Bouden.

Plus loin, on peut lire qu’« il a été observé qu’un soutien financier régional à la Tunisie semble peu probable à court terme et que cela fut mis en lumière entre autres par le manque de manifestation d’intérêt après la visite de la cheffe du gouvernement Najla Bouden en Arabie saoudite ».

 

Le spectre du Club de Paris se précise

L’institution considère enfin que tout soutien bilatéral fourni à la Tunisie ne saurait être efficace que dans le cadre d’une future restructuration éventuelle de la dette publique, menée sous l’égide du processus du Club de Paris, et que « cela pourrait par conséquent avoir un effet bloquant sur le plan économique », prévient le rapport BofA Securities. En clair, le rééchelonnement de la dette, tant redouté par les économistes, semblerait inéluctable. « Une restructuration de la dette impacterait pour longtemps la note souveraine du pays », craint Ezzedine Saïdane qui rappelle à ce titre le cas similaire du Liban.

La Bank Of America avait classé fin octobre dernier la dette tunisienne dans la catégorie « très haut risque ». Ainsi le risque de défaut de paiement de la dette souveraine de la Tunisie, jugé « très probable », est explicité par une projection du FMI sur 15 ans de l’échéancier de la dette extérieure de l’Etat tunisien.

La dette extérieure s’annonce très élevée pour les 6 années qui vont suivre 2021, et en se référant aux perspectives de la situation sociale, économique et politique actuelle de la Tunisie, la dette ne peut qu’augmenter de façon exponentielle (40% du PIB en 2011, 100% du PIB aujourd’hui) et « la Tunisie sera inévitablement en position de défaut, si aucune initiative de mise en place des actions correctives n’est effectuée », conclut BofA.

 

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