Tunisie : Des vaccins anti Covid font les frais de la cohabitation politique

 Tunisie : Des vaccins anti Covid font les frais de la cohabitation politique

Si le blocage politique que vit depuis plusieurs mois le pays engendre des conséquences économiques et sociales perceptibles jusque sur la bourse des Tunisiens, la cohabitation hostile entre le gouvernement et la présidence de la République trouve désormais des ramifications y compris dans une campagne de vaccination qui piétine.

 

Aujourd’hui lundi, la présidence de la République a en effet publié un communiqué laconique où le Palais explique avoir reçu 500 doses de vaccins anti Covid, « via une initiative des Emirats arabes unis ». « Sur ordre présidentiel, lesdits vaccins ont été remis à la direction générale militaire de la Santé », poursuit la même source.

« La présidence de la République insiste sur le fait que le vaccin n’a été administré à aucun personnel ni à la présidence ni toute autre service, en attendant d’en vérifier l’efficacité et d’établir les priorités entre bénéficiaires potentiels », y assure-t-on.

Le Palais réagissait ainsi sans doute aux injonctions qui se sont multipliées sur la toile, dont celle de l’ONG de vigilance I-Watch, qui enjoignait la présidence à dissiper les rumeurs sur sa réception d’une quantité de vaccins. Certaines sources parlaient ce matin d’un millier de doses.

Une communication calamiteuse

Mais loin de clarifier tous les contours de l’opération, le communiqué présidentiel n’a fait qu’attiser la polémique née sur les réseaux sociaux, en faisant ce don symbolique une patate chaude.

Car le texte est entaché de plusieurs problématiques, et non des moindres. Sans le moindre début de remerciement pour le pays donateur, la tonalité du communiqué renvoie sinon une forme d’embarras, du moins une certaine méfiance type « antivax ».

D’aucuns liront ainsi entre les lignes un certain scepticisme à l’égard du vaccin en lui-même, au moment où les vaccins en circulation dans le monde et leur provenance pharmaceutique sont connus. En cela le Palais reste fidèle aux rhétoriques conspirationnistes qu’on lui connait. Comment expliquer en effet que l’on insiste dans un communiqué officiel sur les vérifications en cours quant à l’efficacité d’un vaccin anti Coronavirus en mars 2021 ?

Plus préoccupant encore, le manque de coordination entre les deux têtes de l’exécutif autour d’une question aussi cruciale que celle de la santé publique. En froid avec le gouvernement, le président Kais Saïed se permet donc le luxe de court-circuiter les canaux officiels chargés de la supervision de la campagne de vaccination, déjà pénalisés par un inacceptable retard.

En transmettant ces vaccins aux militaires, le chef de l’Etat accroît par ailleurs son propre isolement en tant que chef des armées à titre exclusif, là où l’occasion prêtait pourtant à une suspension de toutes les divergences au nom de l’intérêt supérieur de l’Etat et de l’impératif éthique de porter assistance au plus vite aux personnes les plus nécessiteuses du vaccin.

A son tour, la présidence du gouvernement n’a pas manqué l’opportunité de marquer des points politiques en y allant aussitôt de son propre communiqué où l’on peut lire que la Kasbah exprime son étonnement de ne pas avoir été mise au courant de l’arrivée de ce don : « Le chef du gouvernement Hichem Mechichi a ordonné l’ouverture d’une enquête sur les modalités d’entrée des vaccins émiratis sur le sol tunisien ».

Au moment où les voisins maghrébins vaccinent déjà leurs citoyens par millions, la Tunisie patauge et s’enlise dans d’interminables intrigues de Palais au mépris de la santé publique.

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