Des propos imputés à la ministre des Finances propulsent le dinar à plus de 2,63dt pour 1 euro
« Le dinar va glisser petit à petit vers 3 dinars pour 1 euro »… Au lendemain de cette rumeur qui a fait le tour du web en moins de 24 heures, en marge d’une interview de la ministre Lamia Zribi sur Express FM, le dinar tunisien a battu aujourd’hui 20 avril tous les records, en flirtant avec les 2,7dt pour 1 euro, pendant que le dollar faisait une incursion en terrain inédit à 2,415dt, entrainant d’importantes pertes pour les PME importatrices. Pourtant à y regarder de plus près, la ministre des Finances s’était pourtant distancié de cette hypothèse. Explications.
C’est en réalité le journaliste qui rapporte, en posant sa question, que des analystes estiment que le perspective des 3dt pour 1 euro serait bientôt envisageable, ce que Lamia Zribi ni n’infirme ni ne confirme, reconnaissant simplement que ces spéculations sur « ce que devrait être le cours normal du dinar » existent bel et bien, tout en appelant à ce que le « glissement du dinar soit progressif » de sorte de juguler tout risque inflationniste.
Evolution du cours volatile du dinar ces dernières heures, avec un pic à 2,637 dt pour 1 euro, enregistré à la mi-journée
Cependant, ce que la ministre a dit de controversé, c’est son démenti de tout lien entre la dégringolade du dinar tunisien et une quelconque intervention politique ou de la Banque centrale tunisienne dans cette tendance baissière, expliquant que cette situation trouve sa justification dans le seul déficit de la balance commerciale tunisienne…
Or, nous savons depuis mai 2016 que conformément à une déclaration d'intention conjointe du gouverneur de la BCT Chedly Ayari et du prédécesseur de Zribi, Slim Chaker, la dévaluation de la monnaie tunisienne (à distinguer de la dépréciation qui est subie et non voulue) est une politique délibérée. La décision se plie en effet aux préconisations du FMI qui estime que le dinar a toujours été surévalué face à l'euro et au dollar, même si la Kasbah se garde de commenter cette mesure qu’elle sait impopulaire. La lettre parle sans ambiguïté de "correction graduelle de la surévaluation du dinar".
Sans probablement le vouloir, c’est un autre membre de l’équipe gouvernementale de Youssef Chahed qui a apporté la contradiction à sa collègue aujourd’hui jeudi. Taoufik Rajhi, conseiller auprès du chef du gouvernement chargé des réformes majeures, répondait à une question de notre confrère African Manager au sujet de la dévaluation du dinar à la demande du FMI :
« Lors des négociations avec le FMI, concernant la politique monétaire et de change à mener à court et moyen terme, il a été question d’aligner le dinar sur ses fondamentaux macroéconomiques. Cela ne voudrait pas dire, et en aucun cas, une dévaluation du dinar car on est plus en régime de change fixe. Il s‘agissait surtout de réduire les interventions de la BCT dans le marché de change au cours du programme ».
Il y a donc bien désormais un désengagement de la BCT pour réguler le cours du dinar, ce qui revient à dire que le pouvoir actuel est bien intervenu, et que cette mesure de passivité a été requalifié en statut quo par la ministre, selon une langue de bois technique et très politicienne…
Seif Soudani