Des propos de Farid Béji embarrassent Nidaa Tounes

 Des propos de Farid Béji embarrassent Nidaa Tounes


En marge d’un déplacement hier dimanche 9 avril à Kairouan, le prédicateur Farid Béji a probablement trop parlé en prenant la parole dans un meeting de Nidaa Tounes. En affirmant que le président de la République l’a assuré de sa volonté « d’éjecter Ennahdha hors du pays », il met dans l’embarras le parti présidentiel et cause un début de crise politique entre les deux alliés au pouvoir. 



A l’ordre du jour de la réunion de dimanche, le Nidaa Tounes « nouvelle formule », présenté aux militants de la ville conservatrice de Kairouan par Borhène Bessaies. Propagandiste durant les dernières années du règne de l’ancien dictateur Ben Ali, l’homme a connu la prison, puis une longue traversée du désert, avant de retourner sur le devant de la scène médiatique en tant que journaliste et chroniqueur politique. Mais depuis quelques jours, Besaies a tout plaqué : recruté comme nouveau stratège de Nidaa Tounes par Selma Elloumi Rekik, l’une des financières du parti, il est notamment chargé d’enrôler de nouvelles figures nationales afin de ranimer Nidaa, parti en état de mort clinique.


Parmi ces personnalités, Farid Béji, un prédicateur controversé appartenant au courant des « Ahbach », une tendance issue du soufisme, et dont le domicile est placé sous protection policière depuis qu’il se dit menacé de mort. L’homme préside aussi l’association islamique d’obédience zitounienne « Dar al-Hadith ». En 2011, l’imprévisible cheikh déclarait comme « ennemi de Dieu et du Prophète » le blogueur et journaliste Haythem Makki.


Depuis, Farid Béji a animé dans divers médias dont Nessma TV des rubriques religieuses où vêtu de jebbas de toutes les couleurs, il prodigue aux auditeurs à la manière d’un télévangéliste toutes sortes de préceptes superstitieux, allant du permissif au puritaniste, non sans une certaine excentricité.


 


La révélation de trop


Manifestement galvanisé, le prédicateur à la tribune du meeting s’est lancé hier dans une tirade où il faisait le récit de l’une de ses rencontres avec le président Béji Caïd Essebsi. « J’ai dit au président Essebsi que le projet de ces gens (Ennahdha) ne peut pas marcher en Tunisie, que je souhaite qu’il disparaîssent pour de bon en Tunisie, mais sans pour autant que cela soit à la manière du scénario égyptien… Le président a alors esquiscé un sourire et m’a assuré : Nous cogitons à la manière de Bourguiba, par étapes. Ils sortiront (Ennahdha) comme on fait sortir la bague du doigt à l’aide du savon… Notre stratégie consiste à éjecter Ennahdha du pouvoir pacifiquement et ne plus se contenter de 40 ou 60 sièges au parlement. Il faut au moins 140 sièges. Nous allons alors gouverner réellement et vous avez le droit de demander des comptes, de bouger et d'être actifs partout », s’est félicité Farid Béji, acclamé par une foule partisane, mais provocant visiblement la gêne du panel où figuraient notamment Borhène Bessaies et Sofiène Toubel, chef du bloc parlementaire du parti.


Pour clore son intervention aux airs de prêche religieux, Farid Béhi invité l’audience à faire montre de loyauté aux partis et à ses dirigeants, une allusion à un précepte islamique incitant les croyants à faire vœu d’obéissance éternelle à leurs leaders.


Le même Farid Beji avait récemment affirmé lors d’un talkshow que « certains leaders du mouvement Ennahdha sont des terroristes de Daech ». La députée Ennahdha Yamina Zoghlami avait alors exigé de lui des excuses qui ne sont jamais venues.


Si les responsables de Nidaa Tounes se réfugient aujourd’hui dans un silence gêné, le tollé suscité par les propos éradicateurs du zélé cheikh gaffeur pourrait, s’il n’est pas jugulé, provoquer une régression de plusieurs années en termes de rapports cordiaux entre les deux partis dont la cohabitation se passe jusqu’ici sans encombre.


 


Seif Soudani