Des milliers de Tunisiens dans la rue contre le projet de loi de « réconciliation économique »
Ils étaient quelques milliers de personnes à manifester ce samedi dans les rues de Tunis contre un projet de loi défendu par la présidence de la République, qui prévoit l'amnistie pour des faits de corruption. Partie symboliquement du fief syndical Place Mohamed Ali pour envahir l’Avenue Bourguiba, la manif avait des airs de 1er mai avant l’heure.
« Le peuple veut la chute de la corruption », « Il ne passera pas ! », ou encore « Soyons fermes contre le règne des mafias », ont scandé les manifestants, en majorité des jeunes, rassemblés dans le centre de la capitale.
Beaucoup portaient des T-shirts et des pancartes proclamant « Manich Msamah » (« Je ne pardonnerai pas »), du nom du collectif ayant appelé à manifester. « Pas de réconciliation (avec les corrompus). Ils doivent d'abord rendre des comptes, puis on pourra parler de réconciliation", affirme Tayssir Jlassi, étudiante de 23 ans.
Ce projet de loi dit de « réconciliation économique et financière » avait été proposé à l'été 2015 par le président Béji Caïd Essebsi, son premier et unique projet de loi proposé en vertu de cette prérogative que lui confère la nouvelle Constitution. Il prévoit l'amnistie de personnes –notamment d'hommes d'affaires et d'anciens hauts commis de l’Etat du régime du dictateur déchu Ben Ali– poursuivies pour corruption, en échange du remboursement des sommes indûment gagnées et d'une pénalité financière à hauteur de 5%.
Les hauts fonctionnaires aussi concernés sont ceux qui auraient été obligés, selon les défenseurs du projet de loi, de fermer les yeux sur des faits de corruption.
Pour Achref Aouadi, président d’I-Watch, même si l’IVD n’est en théorie pas la seule entité habilitée à s’atteler à l’exécution de la justice transitionnelle, il n’y a pas d’autre exemple dans le monde où deux institutions ont œuvré simultanément en la matière.
Vingt-cinq ONG tunisiennes et internationales ont appelé mercredi dernier à son retrait « immédiat et définitif », en jugeant qu'il blanchissait la corruption et « menaçait la transition démocratique tunisienne ».
La corruption reste un sujet sensible en Tunisie, où la révolution qui a mis fin en janvier 2011 à la dictature, largement motivée par le chômage et la misère, s'est aussi faite contre la corruption et le népotisme qui caractérisaient l'ancien régime.
S.S