Tunisie. Dernière ligne droite pour un accord (ou pas) avec le FMI

 Tunisie. Dernière ligne droite pour un accord (ou pas) avec le FMI

Des négociatieurs du FMI sont en Tunisie pour éventuellement débloquer une aide financière alors que le pays traverse une grave crise économique et politique.

Au moment où le pays retient son souffle en ces heures déterminantes en vue d’un accord avec le Fonds monétaire international, une éclaircie vient apporter un peu d’espoir à une situation quasi compromise : le FMI a fait valoir « les bons progrès réalisés dans ces pourparlers à ce jour ».

Experts et économistes sont formels : tout autre bailleur de fonds reste suspendu au potentiel accord entre le FMI et la Tunisie, signe de la solvabilité ou non du pays auprès de ses futurs créanciers. Or, pour qu’un quelconque deal avec le Fonds ait un sens, il faudrait pour ce faire finaliser la chose avant la fin du mois de mars, le budget de l’Etat tunisien ayant été cette année fondé sur le postulat de cet emprunt de référence.

Car, au bord de l’asphyxie financière, avec une dette dépassant désormais le seuil critique des 100 % du PIB, une inflation galopante de plus de 6 %, et un chômage record à plus de 18 %, tous les indicateurs macro-économiques sont dans le rouge. Seule embellie au tableau, une croissance autour de 3 % selon les derniers chiffres officiels, mais qui dans le contexte d’une sortie de la phase post covid reste bien en deçà de la croissance à deux chiffres de pays voisins dont la Libye.

 

Bras de fer engagé avec l’UGTT

Jouant les trouble-fêtes de dernière minute, une nouvelle donne complique davantage encore l’avancement des négociations déjà ardues avec le FMI : la toute puissante centrale syndicale tunisienne Union générale tunisienne du travail (UGTT) a en effet mis en garde hier le gouvernement de Najla Bouden contre « toute réforme douloureuse », reprenant à dessein les termes du pouvoir tunisien, dans le cadre d’un nouveau prêt du FMI.

La crise politique que traverse le pays depuis juillet 2021 et le coup de force du président Kais Saïed, qui s’était arrogé les pleins pouvoirs, déstabilise davantage encore l’économie et les investisseurs. L’UGTT le sait : malgré la bienveillance relative de la centrale syndicale vis-à-vis de ce coup de force qui porte un coup définitif à son ennemi idéologique historique islamiste, les dirigeants du syndicat ont conscience que cela aura un coût par ailleurs sur la santé économique du pays. Un coût que les syndiqués et les travailleurs ne veulent pas payer à eux seuls.

« S’agissant des réformes douloureuses prévues par le gouvernement actuel, l’UGTT est prête à se battre contre des réformes impopulaires », a déclaré Noureddine Taboubi, patron l’UGTT lors d’un meeting à Tunis. La situation socio-économique difficile de la population « n’a pas été prise en considération », s’est-il indigné. « Le document envoyé au FMI n’a pas pris en compte les répercussions de l’épidémie de Covid-19 et n’a pas été actualisé à la lumière des effets de la crise russo-ukrainienne », a enfin dénoncé Taboubi.

 

Des raisons d’être optimiste ?

Nous savions que les discussions entre le FMI et la Tunisie patinaient jusqu’à présent, le Fonds, échaudé par le peu de progrès dans les réformes requises depuis 2021, considérant même qu’il ne s’agit en l’occurrence que de pré-pourparlers, simple préalable à une éventualité de s’assoir à la table des négociations…

Mais aujourd’hui 18 mars, des représentants du FMI ont pour la première fois fait état de « bons progrès dans ses discussions avec le gouvernement tunisien ». L’intense effort de lobbying, notamment via la France début février, a-t-il fini par payer ?

>> Lire aussi : La très discrète visite à Tunis d’Emmanuel Moulin, chef du Trésor français

Fruit ou non de ces tractations diplomatiques, hier 17 mars le FMI a à cet égard annoncé qu’une de ses équipes se rendra en Tunisie « à la fin du mois de mars » afin d’entamer de nouvelles discussions sur un programme de financement. Gerry Rice, porte-parole du FMI, a ainsi indiqué que cette visite intervient « après plusieurs mois de consultations avec les autorités tunisiennes sur leur demande d’un programme soutenu par le Fonds ».

Cette équipe du FMI ouvrira de nouvelles discussions avec les autorités suite aux « progrès réalisés par la Tunisie dans la compréhension des politiques de réforme », a même fait savoir Rice, signe qu’il prend en compte le temps d’adaptation de la nouvelle équipe gouvernementale. Une équipe « sans réelles prérogatives » cependant pour l’opposition tunisienne qui rappelle que Carthage détient à présent tous les pouvoirs.

Reste au FMI néanmoins d’obtenir un difficile accord de l’ensemble des parties politico-économiques, dont le patronat tunisien, l’UGTT et la société civile pour les réformes à entreprendre. Autant dire que dans le contexte tendu actuel, rien n’est encore joué.