Démission du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie. Et maintenant ?
Le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie Chedly Ayari s’est déplacé dans la soirée du mercredi 14 février à la Kasbah pour informer lui-même le chef du gouvernement Youssef Chahed de sa démission de son poste à la tête de la BCT. Pour autant, cela ne résout pas un profond malaise politico-financier.
La démission de l’octogénaire est une surprise, au moment où tout semblait indiquer qu’il continuerait dans sa posture de défiance, après que la proposition de son limogeage, initiée par Chahed, ait été approuvée par le président de la République 48 heures plus tard.
Vraisemblablement pour éviter l’humiliation qu’aurait constitué un passage par l’Assemblée, qui aurait résulté en une sortie peu honorable, l’homme a donc pris les devants sur le tard, en présentant une forme de démission davantage destinée à sauver les meubles et désamorcer la crise, plutôt que de « laver le linge sale » devant les députés et l’opinion lors d’une procédure de destitution.
Mais le malaise était perceptible face aux caméras de la télévision nationale, au moment de faire les déclarations d’usage et autres formes de politesse. Officiellement, Chedly Ayari a dit souhaiter « céder la place à une nouvelle génération de gouverneurs qui prendra la relève », tout en souhaitant bon vent au jeune Youssef Chahed dans l’exercice de ce qui lui reste d’un mandat décidément tumultueux. Visage fermé, Ce dernier a pour sa part dénoncé « les campagnes de diffamation de Chedly Ayari » tout en saluant « une figure nationale qui a beaucoup apporté durant sa carrière à l’économie du pays »…
Un échange d’amabilités qui ne cache pas l’incertitude dans laquelle cette vacuité de la gouvernance de la BCT plonge une Tunisie récemment listée par l’Union Européenne parmi les pays exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme, d’autant que le rôle de Chedly Ayari (s’agit-il d’une véritable mauvaise gestion de sa part ou est-il bouc émissaire ?) n’est pas clairement établi.
Une crise qui ne fait que commencer
Pour étayer sa bonne foi, Chedly Ayari, a révélé à la presse, quelques heures avant sa démission, qu’il a par le passé adressé près de soixante correspondances où il prévenait la présidence du gouvernement que « la Tunisie pourrait bientôt être listée par des instances financières internationales dans plus d’une cinquantaine de listes noires », et que ses efforts de lobbying avaient déjà évité un blacklistage du pays de justesse en novembre 2017 suite à un sommet en Argentine.
Evoqué avec insistance comme unique remplaçant potentiel d’Ayari, Marouane Abassi fait déjà l’objet de critiques de la part des milieux de la presse spécialisée pour n’être qu’un « technicien de la Banque mondiale », relativement inexpérimenté s’agissant de la scène économique nationale.
L’homme est titulaire d’un doctorat en économie de l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne, il possède par ailleurs une maîtrise en économie mathématique et économétrie de l’Université Paris 2 et d’une maîtrise en agro-économie, Paris I Panthéon Sorbonne. Il a été nommé en tant que professeur titulaire à l’Université de Carthage en 2007.
Depuis 1997, Abassi est également conseiller principal à l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises « IACE », expert à l’Institut tunisien des études stratégiques. Imminente, la séance plénière du vote de confiance à Abassi ne sera probablement pas de tout repos, les députés de l’opposition ayant à cœur de demander des comptes sur d’éventuelles négligences de la BCT et du gouvernement Chahed.
Seif Soudani
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