Démission de la Directrice du Festival international de Carthage, sur fond de conflit avec le ministre de tutelle

 Démission de la Directrice du Festival international de Carthage, sur fond de conflit avec le ministre de tutelle

Mohamed Zine El Abidine et Amel Moussa


Amel Moussa vient d’annoncer sa démission de son poste de directrice de la 53ème session du Festival international de Carthage, la plus grande manifestation culturelle du pays. La poétesse évoque « des raisons objectives ». Déjà controversée, sa nomination en décembre dernier avait néanmoins déjà causé des remous dans le show business tunisien. Une démission qui vient aggraver la crise de la gouvernance où aucun volet n’est épargné, pas même la culture. 


« Je demande pardon à tous ceux qui m’ont accordés leur confiance ainsi qu’à tous les intellectuels, créateurs, artistes, sponsors et imprésarios mais les conditions de travail sont devenues insupportables et empêchent d’assurer une session digne du festival de Carthage et de la Tunisie », a déclaré la poétesse notamment lauréate du prestigieux prix italien de la poésie « Lerici Pea » pour l’année 2014, connue pour ses écrits dans les années 90 et 2000.


 


Accusations d’autoritarisme


Dans un communiqué, Amel Moussa accuse le ministre de la Culture Mohamed Zine El Abidine de n’avoir « pas tenu ses promesses de soutien et a cédé à une peur virtuelle ».


Elle justifie sa démission par « la volonté de tutelle du ministre sur le festival », expliquant que ce dernier lui aurait « imposé le comité de direction qui avait travaillé avec lui lors de la dernière édition du festival » un comité qui aurait « interféré dans les grandes orientations ».


Moussa ajoute que « le soutien du ministre au directeur général de l’organisation nationale des manifestations artistiques et des festivals internationaux, Ali Marmouri, considéré comme le premier responsable réel du festival, s’est fait au mépris de la responsabilité historique et morale du directeur du festival devant l’opinion publique, la presse et les artistes », selon ses termes.


Elle estime qu’elle fut victime d’un ministre qui a « tenu à marginaliser la directrice du festival et lui faire pression par la tutelle et la violence symbolique, notamment par la mobilisation de certains de ses conseillers pour lui dicter ses instructions durant les trois derniers mois ».


« Je n’adhérerai pas à une politique qui ne reconnait pas le projet culturel artistique et ne croit pas à l’indépendance des idées, outre l’ambigüité du dossier financier du festival », accuse surtout la directrice démissionnaire qui a exprimé son refus « de réitérer les abus dangereux de la précédente édition ».


Rappelons que les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC), deuxième plus grande manifestation culturelle du pays, ont été unanimement qualifiées d’échec logistique voire de « fiasco » lors de leur dernière édition 2016, marquées par divers incidents et un directeur, le réalisateur Ibrahim Letaïef, également poussé à la démission…  


Amel Moussa a aussi eu des mots durs pour le « le revirement sur l’ouverture sur les compétences en dehors du ministère et les pressions dont ils font l’objet », allusion au fait qu’elle ait été perçue comme étrangère par l’establishment artistique traditionnellement associé au festival.


Elle a enfin accusé d’autre part le ministère de n’avoir « aucun projet culturel institutionnel réel répondant aux aspirations des Tunisiens » en matière de culture, promettant « plus de détails » bientôt sur les motivations de son départ… Une affaire dont n’avait pas besoin le gouvernement Chahed, qui peine décidément à trouver ses marques y compris dans ce secteur.   


 


S.S