Démission collective à l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections
Coup de tonnerre mardi à la mi-journée dans la jeune démocratie tunisienne : le président de l'Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE) Chafik Sarsar ainsi que deux autres membres de l'Instance ont annoncé leur démission à la surprise générale. A quelques mois seulement des élections municipales prévues pour le mois de décembre 2017, la mystérieuse démission collective est un séisme qui vient mettre en doute le bon déroulement d’une transition démocratique déjà mal en point.
Chafiq Sarsar est un juriste et universitaire tunisien, spécialiste de droit public, proche du constitutionaliste Yadh Ben Achour, son professeur. Il avait été élu à la tête de l'Instance supérieure indépendante pour les élections par l'assemblée constituante en janvier 2014, en remplacement de Kamel Jendoubi.
On a appris lors d’une conférence de presse convoquée aujourd’hui mardi à Tunis que les deux autres démissionnaires sont deux magistrats : respectivement le vice-président de l'Instance Mourad Moualhi et la juge Lamia Zargouni.
« Notre décision est responsable, nous avons été contraints à la démission » a affirmé Chafik Sarsar qui a indiqué que « des tensions internes au sein du Conseil de l'Instance touchent aux principes et aux valeurs démocratiques »… « J’appelle l'Assemblée des représentants du peuple à remplacer les membres démissionnaires au plus vite, avant les vacances parlementaires », a-t-il conclu avant de quitter la conférence en pleurs, visiblement ému…
Interrogé dans les couloirs de l’ARP, le député Salem Labyadh pense que la démission pourrait être en rapport avec une « ingérence du pouvoir exécutif, ou des grands partis au pouvoir dans le pays » dans les affaires de l’Instance indépendante. On se souvient que même si cela fait partie des prérogatives de l’ISIE, Chafiq Sarsar avait dû trancher in extremis sur la date du 17 décembre pour les prochaines élections, face à la passivité du pouvoir.
"Conflits en interne"
D’autres évoquent la polémique autour du référendum sur le projet de loi de réconciliation économique que l'ISIE s’était dit hier lundi unilatéralement « prête à organiser » via son membre Nabil Baffoun.
Aussitôt après avoir annoncé son départ, Chafik Sarsar est déjà sous le feu des critiques des internautes et de l’opinion pour ne pas avoir divulgué avec plus de précision les raisons de cette débâcle d’une instance que l’on pensait relativement en bonne santé, laissant libre cours aux spéculations les plus folles, l’ISIE étant la garante morale et institutionnelle de la vie démocratique du pays.
Hier Chawki Tabib, président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption, avait annoncé que faute de moyens et de budget adéquat, son instance va devoir bientôt se séparer d’une partie de son personnel administratif, ce qui vient rappeler plus généralement la situation encore précaire de ces nouveaux régulateurs du pouvoir que sont les instances indépendantes institutionnalisées par la nouvelle Constitution, mais qui ont encore maille à partir avec « l’Etat profond » et l’administration tunisienne.
Seif Soudani