Tunisie. Déficit record de la balance commerciale alimentaire

 Tunisie. Déficit record de la balance commerciale alimentaire

Marché central de Tunis

Durant le mois d’août 2022, la balance commerciale alimentaire a enregistré en Tunisie un déficit record de 2154,4 de millions de dinars (environ 669 millions d’euros), contre un déficit de 1321,9 millions pendant la même période de l’année écoulée.

D’après les données publiées aujourd’hui jeudi par l’Observatoire national de l’Agriculture (ONAGRI), malgré ce déficit qui se creuse de façon alarmante quasiment du simple au double, le taux de couverture des besoins alimentaires est désormais atteint à 63,8% en 2022 contre 68,8% en 2021, indique la même source. En termes de valeur, les exportations alimentaires ont quant à elles enregistré une hausse de 30,6%, tandis que les importations ont augmenté de 40,7%.

 

Une détérioration sans précédent

Selon l’Onagri, le déficit enregistré en août est en grande partie le résultat de l’accroissement du rythme des importations des céréales (+48,9%), des huiles végétales (+109,5%) mais aussi du sucre (+65,6%), et ce malgré la hausse des exportations de l’huile d’olive tunisienne (+33,0%).

Le prix du blé dur a pour sa part enregistré une hausse de +89,6% par rapport à l’année dernière. Les prix des autres produits céréaliers (blé tendre, orge et maïs) ont enregistré également une hausse variant entre 44% et 61%. Une augmentation en l’occurrence directement liée aux répercussions de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

D’après l’Observatoire, les prix à l’exportation ont observé une hausse de 31,7% pour l’huile d’olive, de 12,1% pour les agrumes et de 8,5% pour les produits de la pêche par rapport à la même période de l’année précédente. Ceux des dattes et des tomates ont en revanche baissé respectivement de 4,4% et de 3,7%. Il en est de même pour les prix à l’importation d’une céréale en particulier, l’orge, qui ont connu une hausse là aussi record +62,4%. Le prix des huiles végétales et du sucre ont connu eux aussi respectivement une augmentation de 62,80% et de 46,7%.

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Pour l’économiste Ezzeddine Saidane, « tous les produits concernés par les pénuries sont importés par des entreprises publiques qui en ont le monopole. Ces entreprises sont victimes de mauvaise gestion certes, mais c’est aussi l’État qui a mis ses propres entreprises en difficultés. Les graves problèmes des finances publiques tunisiennes se sont répercutés sur les entreprises publiques ».

 

Mutisme des autorités

Saidane explique que certains de ces monopoles ne sont plus justifiés aujourd’hui. « Que fait l’État tunisien dans le commerce du thé, du café, du sucre, du riz, de l’huile végétale ou dans la fabrication de cigarettes ? Des entreprises publiques qui jouissent d’une situation de monopole et qui se permettent de perdre de l’argent jusqu’à se mettre dans une situation de faillite ».

En ce qui concerne les entreprises publiques qui doivent rester dans le giron de l’État, l’expert estime qu’ « il est impératif qu’elles regagnent la confiance de leurs fournisseurs et des banques. Pour cela il faudrait régler tous les impayés des entreprises publiques auprès de leurs fournisseurs et ramener les engagements bancaires de ces entreprises à des niveaux compatibles avec leur volume d’activité. Mais ceci impliquerait toute une stratégie de sauvetage de l’économie et des finances publiques tunisiennes. Stratégie que ne peut élaborer et mettre en œuvre qu’un gouvernement fort capable de sacrifier tout avenir politique. Ceci implique aussi que l’État sorte de son mutisme, communique avec les citoyens ».

Au lieu de cela, la rhétorique populiste de l’actuel pouvoir s’acharne à désigner un unique responsable : les spéculateurs locaux, en somme le seul coupable à la mesure de ses propres modestes capacités intellectuelles, mais aussi le coupable idéal, le plus facile à jeter à la vindicte populaire.