Covid19 : La Tunisie passe en phase 3, sur fond d’angoisse économique

 Covid19 : La Tunisie passe en phase 3, sur fond d’angoisse économique

Chokri Hammouda


Le directeur général des soins de santé de base au ministère de la Santé, Chokri Hammouda, a annoncé hier soir dimanche 22 mars le passage de la Tunisie en phase 3 de l’épidémie de coronavirus. Si les mesures fiscales exceptionnelles de sauvetage économique annoncées la veille par l’Etat, ont apporté une part de sérénité notamment chez les couches populaires, cela n’a pas empêché nombre de fake news de circuler. Le point. 


« En termes de mesures préventives, nous sommes en réalité passés à celles correspondant à la phase 4, a surenchéri Hammouda. Je précise que nous étions dans une phase où les nouveaux cas étaient en majorité importés ou contaminés par des personnes revenant de l’étranger. Durant cette phase les mesures d’auto-isolement, étaient suffisantes pour prévenir la maladie. Aujourd’hui, nous sommes dans la phase suivantes où les contaminations se font localement et à travers les hôpitaux, à cause des consultations non urgentes ou à travers le personnel médical lui-même ».


Avec 75 cas recensés officiellement, dont 3 décès et un cas unique de guérison, la Tunisie apparaît en théorie comme moins touchée que ses voisins d’Afrique du nord (295 cas en Egypte, 201 en Algérie, et 104 au Maroc à la même date), mais ramenés aux populations respectives de chaque pays, ces taux demeurent similaires.


 


La banlieue nord de Tunis particulièrement touchée


Le responsable a indiqué que le passage à la phase de 3 fut par ailleurs déterminé par l’apparition de plus de deux clusters (foyers de contamination, ndlr). « Il y a désormais trois foyers de contamination majeurs : la Marsa, les Berges du Lac, et la Soukra. Pour ce qui est de Djerba, cela sera être déterminé dans la journée de lundi ».


Dans la même soirée de dimanche, la présidence de la République a annoncé de concert dans un communiqué que le chef de l'Etat Kais Saïed a émis un décret relatif au confinement général, limitant la circulation et les rassemblements en dehors des horaires du couvre-feu (de 18h00 à 6h00). Plus strict encore, ce décret interdit la circulation des personnes et des véhicules sur l’ensemble du territoire tunisien en dehors des horaires du couvre-feu, à moins d’une force majeure ou pour les besoins de première nécessité.


Même si la faisabilité d’une telle mesure reste à prouver, le décret interdit tout rassemblement de plus de trois personnes sur la voie publique, au moment où les internautes notent que beaucoup d’agents des forces de l’ordre travaillent eux-mêmes sans protections élémentaires.


Samedi, l’Utap avait publié la liste des activités commerciales et des services considérés comme essentiels, qui ne seront pas concernés par les mesures de confinement, dont les grandes et moyennes surfaces commerciales et toutes sortes de services relatifs aux soins et aux transport.


Mesures phares du gouvernement Fakhfakh annoncées en outre ce weekend : toute personne dont le salaire est inférieur à 1000dt peut bénéficier d’une période de grâce de 6 mois pour le remboursement en cours d’un crédit bancaire. Une mesure assortie d’une période de grâce de 2 mois d’interdiction de coupure pour non-paiement des factures d’eau, d’électricité et de téléphone. Les PME bénéficient quant à elles de toutes sortes de d’ajournement pour l’acquittement de leurs impôts.  


 


La chloroquine déjà utilisée dans les hôpitaux tunisiens ?


Sur le plan thérapeutique, on savait déjà que, associée à l'AZT, la chloroquine réduirait la charge virale à 6 jours pour 75% des patients selon le professeur et médecin français Didier Raoult. Une approche déviée de son application anti paludique initiale, déjà en vigueur dans certains pays, dont la France où les hôpitaux de Nice ont entamé son expérimentation dès la semaine dernière.


En Tunisie, interrogé sur la question, le ministre de la Santé, Abdeltif Mekki, a indiqué qu’un certain nombre de services dans les hôpitaux publics tunisiens ont été autorisés à utiliser la chloroquine pour traiter les personnes atteintes du coronavirus. « Ce médicament n’est pas interdit par les hôpitaux tunisiens et il peut être utilisé à cet effet », a-t-il confirmé, sans évoquer d’éventuelles difficultés d’approvisionnement.


 


Conjoncture propice aux légendes urbaines


Les dernières 48 heures ont enfin été ponctuées par une controverse qui a agité les réseaux sociaux autour d’informations contradictoires, faisant état de « la découverte par un tunisien d’un remède contre le Coronavirus ».


Résident en Allemagne, le professeur Radhouane Kamoune a en effet publié une copie d’une lettre adressée au chef de l’Etat tunisien, dans laquelle il désire faire don de son invention à son pays natal.


Or, le document ne parle que de brevets pour un produit encore « en phase finale de tests cliniques », qui n'est nullement un traitement mais un kit de détection précoce et de prévention. Cela n’a pas empêché le sensationnalisme autour d’une « découverte » qui n’en est pas une. Assailli d’appels, submergé de messages, contraint d’éteindre son téléphone, le scientifique appelle depuis à ce que l’on arrête de le harceler.


En temps de grande crise, le besoin de récit national, "patriot narrative", réel ou fantasmé, est lui aussi pandémique. Il faut donc s'attendre à d'autres polémiques de ce type dans les jours qui suivent, le climat anxiogène favorisant les fables et autres signalements de vertu. Stefan Zweig n’écrivait-il pas à cet égard que : « Quand les drapeaux sont déployés, toute l'intelligence est dans la trompette ».