Couvre-feu et déploiement de l’armée sur l’ensemble du territoire
Divisés sur la qualification des émeutes qui gagnent l’ensemble du territoire, certains Tunisiens sont favorables à ce que s’exprime la colère des plus démunis, d’autres réduisent le mouvement à des casseurs « à l’affut des pillages ». Un couvre-feu a été décrété vendredi de 20h00 à 05h00 du matin sur l’ensemble du territoire national. Le pays s’installe dans une crise socio-politique. L’éventualité d’élections anticipées se précise.
Des émeutes ont éclaté Cité Ettadhamen, l’un des plus grands quartiers populaires en périphérie de Tunis avec 120 000 habitants, jeudi à la tombée de la nuit.
Rapidement, les forces de l’ordre sont débordées : de petits groupes de jeunes grossissent à mesure qu’ils en rallient d’autres au passage des cafés, et réussissent à prendre l’ascendant. Une cabine servant de checkpoint à la garde nationale est incendiée. Vers minuit, quelques grandes surfaces sont pillées et une succursale bancaire prise d’assaut. Fulgurants en termes d’escalade, ces évènements sont les premiers du genre depuis la révolution de janvier 2011.
Pressenti, le couvre-feu décidé par les autorités sur l’ensemble du territoire risque de lasser des forces de l’ordre déjà exténuées par un état d’urgence quasiment ininterrompu depuis plusieurs mois. Idem pour l’armée, déployée vendredi aux abords des points névralgiques et des centres de grande distribution.
Une gaffe de communication qui coûte cher
L’incroyable bévue du nouveau porte-parole du gouvernement, Khaled Chouket, qui a dû reconnaître dans la même journée « une erreur de communication » concernant les 5000 emplois promis à Kasserine, avait de quoi mettre le feu aux poudres. Aucun nouvel emploi ne sera en effet créé, et l’on apprend qu’il s’agit en réalité de la régularisation d’emplois précaires préexistants…
L’erreur de débutant est symptomatique de la faillite gouvernementale, d’autant qu’un autre ministre, celui des Finances, a démenti que des solutions allaient concerner l’ensemble des gouvernorats.
Le président de la République Béji Caïd Essebsi s’adressera au peuple ce soir à 19h50. Il pourrait annoncer une série de nouvelles mesures, voire une initiative politique préparant une sortie de crise, dont le départ de son fils de Nidaa Tounes.
Sur France 24, interrogé à propos de la prochaine étape, Moncef Marzouki a préconisé « le retour au dialogue national ». Nous devons nous assoir, examiner toutes les options et nous en remettre à la volonté du peuple sans sortir du processus démocratique », a affirmé l’ancien président et leader d’Alirada, pour qui il est urgent de « ne pas livrer le pays à des irresponsables ».
Seif Soudani