Tunisie. Corruption : le rapport accablant de la Banque mondiale

 Tunisie. Corruption : le rapport accablant de la Banque mondiale

En dépit du fait que la corruption et le clientélisme furent les principaux facteurs ayant déclenché la révolution de 2011, ils continuent de saper la confiance des Tunisiens dans leurs institutions, notamment depuis la généralisation de la corruption à plus grande échelle. C’est ce que note la Banque mondiale dans son dernier rapport en date sur la Tunisie, publié le 10 novembre.

« Entre 2009 et 2011, un important changement s’est opéré au niveau de la perception de la corruption, lorsque le pourcentage de citoyens convenant de l’existence de pratiques de corruption au sein même des institutions gouvernementales est passé de 57% à un préoccupant 92%, pour se stabiliser par la suite », note le rapport.

Ce constat correspond cependant à la tendance généralement observée dans les pays en transition après un régime autoritaire, temporise la même source, où les citoyens aspirent à des changements politiques capables de freiner la corruption, outre l’ouverture et la liberté d’expression qui permettent de jeter plus de lumière sur les affaires de corruption.

 

Les lacunes des initiatives anti-corruption

De nombreuses initiatives anticorruption ont été prises au lendemain de la révolution dite de la dignité, allant de la mise en place de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, dissoute en 2021 par le président Kais Saïed, à l’adoption de la loi portant déclaration des biens et des intérêts, de la lutte contre l’enrichissement illicite et le conflit d’intérêt, en 2018.

L’impact de ces initiatives est toutefois resté limité, en partie à cause de la bureaucratie et des délais de mise en œuvre, du manque de ressources budgétaires et humaines et de la faible performance du système judiciaire dans son ensemble, ce qui n’a pas permis au système judiciaire de sanctionner efficacement les fonctionnaires et hommes d’affaires inculpés de corruption.

Ainsi la Banque mondiale estime que la corruption s’est « démocratisée » depuis la révolution, devenant endémique et largement répandue parmi la population et les milieux d’affaires. Les données provenant de l’enquête que la Banque a menée auprès des entreprises montrent en effet que le pourcentage d’entreprises ayant désigné la corruption comme obstacle majeur à leurs activités est passé de 36% à 56%, sur la période allant de 2013 à 2020. Un chiffre bien supérieur à la moyenne en vigueur dans la région MENA (43%).

A cela s’ajoute « l’augmentation de la proportion d’entreprises ayant identifié le système judiciaire comme étant une contrainte compromettant la primauté du droit (de 3,2% à 12,6%). La corruption a étendu ses tentacules jusqu’au processus électoral : le rapport – largement partagé – que la Cour des comptes a produit sur les élections de 2019, la présidentielle et les législatives – a fait état de nombreuses violations de la loi électorale, comme le financement illicite ».

L’Institution de Bretton Woods estime enfin que la frilosité de la réaction institutionnelle aux cas de corruption et des infractions à la loi électorale a à son tour contribué à miner la confiance des citoyens dans l’intégrité des autorités et des élections.

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