Corruption : la Tunisie stagne au milieu du classement international
« L’Etat tunisien doit faire un choix : soit il sacrifie les lobbies corrompus, soit c’est la Tunisie qui sera sacrifiée… ». C’est par cette formule choc que les jeunes responsables de l’ONG de vigilance I Watch, qui représente Transparency International en Tunisie, ont conclu une conférence de presse mercredi 27 janvier, consacrée aux nouveaux chiffres relatifs à l’indice de perception de la corruption.
Selon Mouheb Garoui, plusieurs indicateurs laissent à penser que la corruption s’institutionnalise en Tunisie. En cause notamment, « l’absence totale de cadre juridique pour mener une lutte sérieuse contre la corruption ». L’ONG a rappelé que la Tunisie a signé la Convention des Nations unies contre la corruption dès 2008. Le pays s’était par conséquent engagé à mettre à jour son arsenal juridique relatif à la lutte contre la corruption, « ce qui n’a pas jamais été fait depuis », comme en témoigne l’isolement du Pôle judiciaire financier.
76ème place, un classement trompeur
L’organisation s’appuie sur une échelle de 0 à 100, l’indice 100, le meilleur, signifiant en théorie l’absence totale de corruption, spécifiquement dans le secteur public.
Concernant le classement de la Tunisie, 76ème mondiale, le directeur exécutif de « I watch » l’a qualifié de catastrophique, même si en 2014 la Tunisie était classée 79ème : « Nous ne pouvons parler de légère amélioration car nous avons régressé en termes de points, commente Garoui. En 2014 nous étions en effet notés 41/100 points, et en 2015 nous sommes désormais à 38/100 ». En outre, en 2014, le classement portait sur une liste de 175 pays, alors qu’en 2015, on compte seulement 168 états, soit 7 pays de moins.
Les trois premières places sont une fois de plus occupées par les pays scandinaves, à titre indicatif, le Danemark est noté 91 points tandis que la Suède récolte 89 points. En queue de peloton, les dernières places du classement reviennent à la Corée du Nord et la Somalie avec 8 points seulement…
Le classement de la Tunisie est en revanche à relativiser s’agissant du monde arabe. Ainsi la Tunisie devance d’autres pays arabes tels que l’Egypte, et reste la première du classement à l’échelle du Maghreb : le Maroc est 88ème à égalité avec l’Algérie, la Mauritanie 112ème, et la Libye 161ème…
S’attardant sur les causes ayant normalisé la corruption en Tunisie, I watch a souligné que la loi relative à l’accès à l’information est rarement appliquée, signe de l’absence de volonté politique en la matière.
Par ailleurs, Mouheb Garoui a pointé du doigt « l’absence de toute volonté politique de lutte contre la corruption ». L’Instance constitutionnelle pour la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption reste par ailleurs à instaurer, deux ans après la proclamation de la nouvelle Constitution.
L’ONG a enfin appelé au « retrait immédiat » du projet de loi de réconciliation économique soumis à l’Assemblée par la présidence de la République, mais non encore examiné, et dont certains articles avaient tenté un passage en force dans la loi de finances 2016.
Seif Soudani