Coronavirus : le couvre-feu peine à convaincre
C’est la plus forte progression de la maladie dans le pays depuis le déclenchement de l’épidémie : la Tunisie vient d’enregistrer 10 nouveaux cas de coronavirus en seulement 24 heures, totalisant le désormais 39 cas confirmés, sur fond d’impopularité de la mesure présidentielle de couvre-feu nocturne.
Sur ces 39 porteurs déclarés, la directrice de l'Observatoire des maladies nouvelles et émergentes, Nissaf Ben Alaya, précise que 25 cas sont « importés », et 14 cas ont été contaminés sur le sol tunisien. Leur répartition par région se décline comme suit :
Gouvernorat de Tunis : 14 cas confirmés (9 cas importés et 5 cas locaux)
Gouvernorat de l’Ariana : 9 cas confirmés (4 cas importés et 5 contaminations locales)
Gouvernorat de Mahdia : 3 cas confirmés (1 cas importé et 2 locaux)
Gouvernorat de Sousse : 2 cas confirmés (2 cas importés)
Gouvernorat de Kairouan : 2 cas confirmés (1 cas importé et un autre local)
Gouvernorat de Gafsa : 1 cas confirmé qui n’est plus porteur de coronavirus
Gouvernorat de Bizerte : 2 cas confirmés (1 cas importé et un cas local)
Gouvernorat de Tataouine : 1 cas confirmé (1 cas importé)
Gouvernorat de Monastir : 1 cas confirmé (1 cas importé)
Gouvernorat de Ben Arous : 1 cas confirmé (1 cas importé)
Gouvernorat de Médenine : 1 cas confirmé (1 cas importé)
Gouvernorat de Nabeul : 1 cas confirmé (1 cas importé)
Gouvernorat de Sfax : 1 cas confirmé (1 cas importé)
Par ailleurs le ministère de la Santé annonce que pas moins de 8787 cas suspectés ont été mis en auto-isolement, dont 5628 ont terminé leur période de confinement et 3159 restent en quarantaine.
Privatiser les profits, socialiser les pertes
Le moins que l’on puisse dire est que l’allocution présidentielle du 17 mars au soir, tardive et faite dans un arabe littéraire que de nombreux Tunisiens peinent à comprendre, n’a pas convaincu. Proposition éculée, Kais Saïed en a d’abord appelé au sens de la solidarité de chacun, en appelant à « faire don de la moitié de son salaire », avec un signalement de vertu au passage du président lui-même qui fera don « pour montrer l’exemple » de la moitié de ses 30.000dt de salaire.
Pour comprendre l’ampleur de l’impopularité de cette injonction, déjà vue, à la solidarité salariale, il suffit de sonder les réactions indignées dans les rangs des premiers soutiens de Saïed lors de la dernière élection présidentielle, le plus souvent issus de classes populaires sous-payées, aujourd’hui les plus déçus par ce manque d’ingéniosité, et surtout l’absence de garanties de dédommagements de la part du plus haut représentant de l’Etat, qui n’a fait que renvoyer la balle à l’appareil législatif et demander au Parlement de légiférer en ce sens.
Au moment où le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh se rend au chevet des riches hôteliers et entrepreneurs du secteur du tourisme, certes en crise, pour leur promettre un sauvetage, et même si les prérogatives présidentielles sont constitutionnellement limitées, le message de Saïed aurait pu rassurer davantage des Tunisiens doublement anxieux à l’approche des dépenses du ramadan.
Depuis hier mercredi, premier jour de couvre-feu de 18h00 à 06h00, les vidéos fusent sur les réseaux sociaux fustigeant des autorités qui n’ont pas prévu d’accompagner cette mesure par un dispositif adéquat dans les transports publics particulièrement encombrés dès 16h00, heure des derniers métros. Au moment où la plupart des pays voisins, dont le Maroc, optent pour un confinement total, le couvre-feu nocturne semble dans ces conditions non seulement inefficace, mais potentiellement contre-productif.