Controverses autour du projet de loi antiterroriste
Plusieurs organisations de la société civile ont émis des réserves sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent actuellement soumis au débat en session plénière de l'Assemblée des représentants.
Amna Guellali du bureau tunisien de Human Rights Watch avait ouvert la voie en donnant les recommandations de sa délégation au chef du gouvernement qui avait approuvé le projet de loi le 26 mars dernier.
« Le nouveau projet de loi doit être assorti de certaines conditions qui empêchent l'instrumentation de la loi et assurent le respect des libertés et des droits de l'Homme » mettent en garde des associations dans une déclaration commune rendue publique le 14 avril.
Les signataires sont le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l'Homme en Tunisie (CRLDHT), le Réseau Euro méditerranéen des Droits de l'Homme (REMDH), le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES) et l'association Vigilance pour La Démocratie et l'Etat Civil (VDEC).
Une position de principe contre la peine capitale
Au chapitre des problématiques évoquées par les ONG de défense des droits humains, le fait que la nouvelle loi prévoit le recours à la peine de mort dans de nombreux cas de figure. « Ce serait une régression considérable, cela ouvrirait la voie pour cette sentence concernant d’autres crimes » prévient Amna Guellali qui rappelle que la peine capitale n’a pas été appliquée en Tunisie depuis 1991. Une disposition qui n’existe pas dans la loi antiterroriste de 2003, malgré la position d’une partie de l’opinion publique en faveur d’un retour à son application.
HRW craint en outre que la prolongation de la période de détention préventive, dont la logique va déjà à l’encontre des standards internationaux, n’accroisse le risque de mauvais traitement et de torture dans les centres de détention, encore régulièrement enregistrés en Tunisie.
Un autre problème est celui de la redondance de certains crimes et infractions et crimes figurant déjà dans le Code pénal.
D’autres dérives potentielles
La déclaration insiste sur le fait que le nouveau dispositif d'investigation, de mise sur écoute ou en surveillance par les techniques audiovisuelles sophistiquées, « suscite bien des craintes ». « La tentation est grande pour le pouvoir exécutif, en la personne du Procureur de la République, de porter atteinte à la vie privée. Surtout que ces enquêtes peuvent durer jusqu'à quatre mois susceptibles de prolongation », lit-on dans le texte de la déclaration.
La Commission nationale de lutte contre le terrorisme, prévue par l'article 62 dudit projet de loi, reliée à la présidence du gouvernement et dotée de prérogatives élargies, ne jouit ni de la personnalité morale ni de l'autonomie financière. Elle n'est donc pas à l'abri des tiraillements politiques et risque de subir les aléas des changements à la tête de l'Etat, indique la même source.
La déclaration relève enfin que « les articles imprécis, qui ne précisent pas suffisamment les garanties de respect de la Constitution et des conventions internationales, suscitent également des critiques légitimes » ainsi que la nécessité d'agir en amont afin de s'attaquer au terreau économique, social et culturel du terrorisme.
En sus du controversé projet de loi antiterroriste, un conseil des ministres a récemment adopté un projet de loi organique relatif à la répression des atteintes contre les forces armées, en « priorité absolue », destiné notamment à garantir la sécurité des forces de l’ordre et de leurs familles en dehors de leurs heures de travail. « Même Ben Ali n’avait pas osé », s’étonne-t-on sur les réseaux sociaux.
S.S