Tunisie. Contre le confinement général, la désobéissance s’organise

 Tunisie. Contre le confinement général, la désobéissance s’organise

Les musulmans doivent composer avec l’inflation et les pénuries, ici au marché central de Tunis, pour un mois de Ramadan qui s’annonce difficile.

A Béja, au Kef, à Mahdia, Sousse, Monastir, Kasserine ou encore Sidi Bouzid et bien d’autres régions surtout intérieures, des Tunisiens n’hésitent plus à s’affranchir du confinement total ainsi que le couvre-feu nocturne imposés par le gouvernement en cette semaine d’Aïd el Fitr.

Les quartiers populaires dans les faubourgs de la capitale ne sont pas en reste, les forces de police y étant moins présentes mais aussi visiblement plus indulgentes. « J’y vois moins une désobéissance civile organisée qu’une forme de détresse et d’appel à l’aide face à des mesures perçues comme injustes, sans accompagnement économique », commente le député Hatem Mlika, qui rappelle que de nombreux commerces attendent l’Aïd toute l’année pour en vivre ou réaliser leur plus important chiffre d’affaires.

Ainsi des scènes de vie ordinaire, comme au temps d’avant Covid, ont été filmées hier soir notamment à la Cité Ettadhamen où l’on pouvait constater des cafés achalandés à l’extérieur comme à l’intérieur où cela est doublement interdit selon le nouveau dispositif théoriquement mis en place par les autorités.

Lundi, dans la Médina de Sousse, les commerçants y ont même ajouté le panache et la manière : à la foule déjà compacte en plein souk, la fanfare traditionnelle locale s’y est en effet produite en musique, comme pour conjurer le sort en cette étouffante crise économique et sanitaire.

Avant cela, ce sont les supporters de Makarem Mahdia qui avaient ouvert le bal de la désobéissance dès le 9 mai, au premier jour de confinement général, en bravant également le couvre-feu par une liesse populaire qui a duré toute la nuit de dimanche à lundi, pour fêter la montée de leur club de football en Ligue 2.

Mêmes scènes de défiance collective au Kef, au nord-ouest du pays, où des habitants sont sortis spontanément, le plus souvent sans masques, exprimer leur colère face aux nouvelles mesures annoncées au dernier moment.

A Grombalia, gouvernorat de Nabeul, la garde nationale est intervenue dans la matinée du 10 mai pour empêcher les commerçants d’étaler leurs marchandises au souk hebdomadaire. Mais selon des témoins, plusieurs citoyens et commerçants se sont rassemblés quelques heures plus tard pour protester contre l’application de la fermeture.

La force publique est aussi intervenue dimanche pour faire fermer le marché central de Tunis qui a connu une forte affluence au premier jour du confinement sanitaire général. Peu à peu les autorités se rendent compte que la faisabilité de ce « confinement de trop », comme le qualifient de nombreux Tunisiens, relève du vœu pieux.

 

C’est qu’au sommet de l’exécutif, en pleine cohabitation hostile avec le chef de gouvernement Hichem Mechichi, le président de la République Kais Saïed ne donne pas vraiment l’exemple, voire encourage symboliquement les Tunisiens à se rebeller contre le dispositif sanitaire.

Ainsi le jour même de l’annonce de ces nouvelles mesures, Saïed s’était invité au ministère de l’Intérieur pour ensuite se livrer à une promenade nocturne Avenue Habib Bourguiba, suivie de son activité favorite : la prière dans une mosquée soigneusement documentée par les caméras de la présidence.