Tunisie. Conflit entre les instances régulatrices : l’ISIE botte en touche

 Tunisie. Conflit entre les instances régulatrices : l’ISIE botte en touche

Conférence de presse de l’ISIE

En plein entre-deux tours des élections législatives, la guerre fait rage entre les deux instances indépendantes régulatrices du pouvoir qui ont survécu au coup de force constitutionnel du président Kais Saïed : l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) et la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), équivalente du CSA français.

 

« L’Instance électorale n’intervient pas dans la ligne éditoriale des médias et des journalistes. Elle n’intervient pas également dans le contenu et les questions formulées par les médias et les journalistes », c’est ce qu’a affirmé le 19 janvier le magistrat et président de l’ISIE, Farouk Bouasker. Sauf que son homologue chargé de la supervision des médias, la Haica, fait un diagnostic différent de l’évolution des choses ces derniers mois.

Passe d’armes entre régulateurs

Dans le cadre de l’exercice de sa mission, l’Instance électorale est censée se contenter seulement de surveiller la campagne électorale dans les médias, dans ses deux volets logistique et technique, et ce conformément à l’esprit du décret 31, a renchéri Bouasker dans une déclaration aux médias, en marge de sa participation à Sfax à une réunion avec les candidats au second tour des prochaines législatives anticipées, prévu pour le 29 janvier prochain.

Mais dans un communiqué publié la semaine écoulée, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a accusé l’ISIE de vouloir « mettre la main » et « orienter à sa guise » la couverture médiatique des élections législatives en marge de ce second tour, en s’ingérant directement dans les contenus médiatiques de la télévision publique tunisienne, lors des programmes-débats entre les candidats en lice pour les législatives.

Pour sa défense, le président de l’ISIE a tenu à préciser que la mise à jour du plan de communication de l’Instance électorale vise à instaurer un « dialogue public » entre les candidats relevant de chaque circonscription devant les électeurs, via les médias audiovisuels publics et privés. Objectif affiché par l’autorité électorale : permettre aux Tunisiens d’avoir une idée claire et globale sur les profils des candidats et leurs programmes.

Commentant cette décision de l’ISIE, l’influent membre de la Haica, Hichem Snoussi, a accusé ses homologues de l’ISIE « d’ingérence flagrante » dans les lignes éditoriales des organes de presse tunisiens. Directement nommée par le président Kais Saïed pour la majorité de sa composition actuelle, « l’ISIE s’est transformée en un instrument entre les mains de l’exécutif et a perdu sa légitimité », a déclaré Hichem Snoussi le 19 janvier.

La veille, la Haica avait publié un communiqué mettant en garde contre le non-respect des règles de la couverture des campagnes électorales et dénonçant l’ingérence de l’ISIE dans les médias. Elle a rappelé aux chaînes télévisées, aux radios et aux journalistes l’importance de respecter les principes et les règles posés par la constitution, la loi électorale, le décret n°116 et la décision n°16 de novembre 2022.

Dans un registre de la défiance et ne craignant visiblement pas de voir la Haica subir le même sort que d’autres instances indépendantes démantelées depuis 2021 par le nouveau régime, Hichem Snoussi a enfin affirmé que l’Histoire resterait témoin des nombreuses violations de l’ISIE, soutenant que l’instance est « le point faible » de ce processus électoral. « Le faible taux de participation, en est la preuve », a-t-il asséné

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