Composition du gouvernement Chahed : soutiens conditionnels et premières fuites

 Composition du gouvernement Chahed : soutiens conditionnels et premières fuites


 


Tout comme sa nomination express, Youssef Chahed a déjà quasiment terminé ses pourparlers avec les plus grands partis politiques et composantes de la société civile : désireux d’envoyer un message volontariste, il n’attendra probablement pas les 30 jours qui lui sont impartis pour former un gouvernement. Nous avons eu accès aux premières fuites les plus crédibles.


 


Soutien conditionnel d’Ennahdha


Selon une source à Montplaisir, conformément aux délibérations de ladernière réunion du Conseil de la Choura, Rached Ghannouchi, Noureddine Bhiri et ZiedLaadhari ont demandé lors de leur rencontre avec Chahed à Dar Dhiafa de porter la participation d’Ennahdha à cinq ministères, sans compter les secrétariats d’Etat. Ainsi cette dernière fonction pourrait refaire son apparition, après avoir été supprimée dans le gouvernement « Essid 2 », et ce même si l’on parle d’un gouvernement dont le nombre de membres sera au total revu à la baisse.


Mais c’est surtout s’agissant de l’importance de ces portefeuilles qu’Ennahdha demande un « upgrade ». Après n’avoir obtenu qu’une participation a minima sous Essid, avec le seul ministère de l’Emploi et un « super conseiller » à la Kasbah avec rang de ministre en la personne de Nejmeddine Hamrouni, le parti lorgne désormais sur le ministère des Financeset celui de la Santé, s’il n’obtient pas de ministère régalien.


« Nous n’avons pas encore fixé les détails mais souhaitons une participation proportionnelle aux résultats des élections législatives, sans quoi nous nous abstiendrons de participer à ce gouvernement. Cela dit nous soutiendrions dans ce cas malgré tout le gouvernement d’union nationale », a rassuré Ghannouchi à sa sortie de Dar Dhiafa à Carthage…


 


Stabilité à l’Intérieur, bras de fer à la Justice


Tous les regards sont notamment dirigés vers le ministère de l’Intérieur, qui pose un dilemme pour Chahed. Des experts en stratégie sécuritaire ont en effet mis en garde contre une instabilité chronique à la tête de la « dékhilia », d’autant que la saison estivale se passe pour l’instant sans encombre, avec 0 actes terroristes. Il est donc fort probable que le fringuant Hédi Majdoub pourrait capitaliser sur cette relative réussite et figurer parmi les rescapés du gouvernement  Essid en se maintenant à son poste.


Un bras de fer se dessine en revanche à la Justice, où malgré la participation de son parti à une conférence de presse pour annoncer son retrait du dialogue autour du futur gouvernement, l’opposant historique Ahmed Néjib Chebbi, juriste et ancien avocat, se serait dit selon nos sources intéressé par ce grand ministère qui pourrait être à la mesure de ses ambitions maintes fois déçues, en plus d’un tremplin potentiel à une candidature aux présidentielles en 2019… 


Plusieurs partis dont Ennahdha se seraient néanmoins opposés à cette candidature, évoquant la représentation parlementaire réduite d’al Jomhouri (1 siège à l’ARP). 


 


Récompenses en tous genres


En partie sorte de survivance du « comité des treize », déjà voulu par Béji Caïd Essebsi fin 2015 pour sauver son parti, le gouvernement Chahed va certainement reconduire certains des treize noms qui avaient eu les faveurs du président, à commencer par la controversée Aziza Hatira, ancienne figure clé du régime Ben Ali, en négociations pour le poste de ministre du Commerce. 


Le gouvernement fera la part belle également aux figures NidaaTounes comme Selma Elloumi et Néji Jalloul qui devraient être affectés à d’autres ministère que l’Education et le Tourisme, ou encore Abdelaziz Kotti (pressenti à l’Agriculture) et Wafa Makhlouf.  


Au chapitre des partis hier dans l’opposition dont l’Alliance démocratique et al Moubadara, Mehdi Ben Gharbia et Kamel Morjane pourraient être récompensés pour leur soutien précoce à l’initiative présidentielle, avec respectivement le ministère de l’Equipement et celui de la Défense.


Après l’UGTT dans la foulée de sa nomination puis Ennahdha en fin de semaine, le futur homme fort de l’exécutif rencontrait ce matin lundi 8 août une délégation de Nidaa Tounes emmenée par Sofène Toubel. La réunion fut davantage formelle cependant entre les deux compagnons de route Nidaa que sont Chahed et Toubel : « On se contentera de propositions pour faciliter le travail du gouvernement dans l’application de l’accord de Carthage. On ne peut pas actuellement proposer des noms car on ne connait pas encore la structure du gouvernement, qui sera fixée ce mercredi » a en effet déclaré Toubel.


C’est que le projet supposé avant-gardiste d’un gouvernement organisé en plusieurs pôles est selon nos sources encore d’actualité, et pourrait servir à Chahed pour articuler ses desseins de gouvernement mi technocrate mi politique. En somme une façon commode d’éviter à Nidaa Tounes une entière responsabilité dans les crises futures, tout en étant aux commandes.


 


Seif Soudani