Tunisie. Complot contre la sûreté de l’Etat: la défense dénonce « des dossiers vides »
En l’absence à ce jour d’une communication adéquate de la part des autorités tunisiennes autour des poursuites engagées contre une cinquantaine de personnalités des mondes politique, médiatique, judiciaire et celui des affaires, les rumeurs les plus improbables circulent. L’apparition du nom de Bernard Henri Lévy dans l’enquête attise notamment la curiosité de l’opinion publique.
En marge d’une conférence de presse tenue hier à Tunis, le président du Front du salut national, Ahmed Néjib Chebbi, a annoncé la création d’un « réseau de défense » de tous les politiques, avocats et syndicalistes arrêtés, qu’il a qualifié de « détenus politiques ». Conscient que la guerre médiatique est également un enjeu majeur pour la phase à venir, Chebbi a indiqué qu’une équipe de défense va par ailleurs engager une campagne médiatique « pour sensibiliser l’opinion à l’intérieur et à l’extérieur du pays aux arrestations et à la situation des détenus ».
Vers une internationalisation du conflit
« Le Front va également établir des contacts avec des organisations internationales des droits de l’Homme pour réclamer leur libération », a ajouté Chebbi en introduction du point presse. Il a rappelé qu’une dizaine d’hommes politiques font jusqu’ici l’objet de mandats de dépôt, et que plusieurs avocats ont été déférés devant le juge d’instruction.
Selon Néjib Chebbi, « toutes ces arrestations et ces poursuites judiciaires ont eu lieu uniquement dans le but de dévier l’attention des Tunisiens des différents problèmes économiques et sociaux auxquels ils font face ».
L’avocate Dalila Msaddek a quant à elle affirmé que « le dossier de conspiration contre la sécurité de l’Etat ne comporte aucune pièce justifiant leur arrestation », précisant que les documents consistent en des transcriptions de conversations entre les accusés sur l’application WhatsApp.
L’avocate a dénoncé « une volonté délibérée d’induire en erreur l’opinion publique ainsi que la mobilisation du pôle judiciaire antiterroriste et le pôle judiciaire financier » pour exécuter ces arrestations via des appareils d’Etat démesurés. « Je défie quiconque pouvant fournir une seule preuve attestant de cette conspiration contre la sécurité intérieure de l’Etat », a-t-elle déclaré.
Selon Vincent Geisser, sociologue, politologue, chargé de recherche au CNRS, chercheur à l’Institut de recherche et d’études sur le monde arabe et musulman, qui commente également la polémique autour des migrants subsahariens accusés également de complot démographique, « il s’agit d’une rhétorique anxiogène, identitaire, sécuritaire, c’est une pratique de gouvernement, c’est une pratique de pouvoir qui vise à faire oublier le principal responsable de la crise économique et sociale qui est la Tunisie, qui est précisément le président tunisien et son gouvernement ».
Dans les pages soutenant l’action présidentielle, des documents de l’instruction ont été publiés comprenant le nom des 17 personnes poursuives. Parmi elles, Bernard Henri Lévy (orthographié au passage de façon erronée), que le principal accusé, Khayem Turki, aurait sollicité en vue de peser de son influence pour intervenir dans la crise tunisienne. « Une légende urbaine » selon la défense pour qui le pouvoir tente de mêler cette figure controversée au dossier de sorte de « gagner la sympathie des masses ».