Com’ de crise : orthodoxie de Carthage, timidité de la Kasbah
Le président Béji Caïd Essebsi a accusé samedi la presse étrangère d'avoir « exagéré » les faits et « porté atteinte à l'image de la Tunisie » lors de sa couverture des récents troubles sociaux dans le pays. Une communication d’arrière-garde, à laquelle succédait le lendemain dimanche une visite du chef du gouvernement Youssef Chahed dans un centre de formation professionnelle du quartier défavorisé de Denden. Malgré des approches différentes, ni l’un ni l’autre chefs du pouvoir exécutif n’ont pu mettre fin aux troubles.
La visite inédite de "BCE" à la Cité Ettadhamon n'a pas suffi à y calmer les émeutes qui ont repris le soir même
Une com’ et des mesures d’une autre époque ?
« Il y a eu de l'exagération dans la presse étrangère » et « des choses ont été amplifiées » avait déclaré Béji Caïd Essebsi à l'ouverture d'une réunion convoquée en urgence avec les partis au pouvoir, le syndicat UGTT et le patronat, pour discuter des moyens de sortir de la crise après des troubles alimentés par des mesures d'austérité. « Le monde entier nous a nui », a ajouté le président tunisien qualifiant en revanche la couverture de la presse tunisienne d'« équilibrée" et « juste ».
Sur la TV nationale Wataniya 1, le questionnaire en règle subi par l’un des jeunes leaders du mouvement « Fech Nestannew » avait pourtant indigné une partie de l’opinion publique ayant reproché aux deux journalistes « des pratiques inquisitoires et policières ».
Ce weekend, Reporters sans frontières a condamné des pressions sur les journalistes après l'interpellation d'un correspondant français et d'un reporter tunisien qui couvraient les rassemblements. Des membres de la Garde Nationale se sont en effet rendus au domicile de Mathieu Galtier, correspondant entre autres du quotidien français Libération, et l'ont emmené au poste afin de le questionner, a indiqué samedi le North Africa Correspondents Club (NAFCC), association de la presse étrangère en Tunisie et en Afrique du Nord.
La veille, le journaliste se trouvait à Tebourba pour couvrir la contestation et les policiers « lui ont clairement demandé de divulguer les identités et contacts des sources rencontrées sur place », a déploré l'organisme de défense des journalistes, soulignant que cela était contraire aux fondamentaux de la liberté de la presse.
Innovation en demi-teinte du côté de la Kasbah
Vêtu d’un jean, d’une veste « casual » décontractée, Youssef Chahed est apparu dimanche au milieu de jeunes visiblement présélectionnés pour prendre part à un cercle de discussion autour des perspectives d’emploi des diplômés chômeurs (touchés par près de 40% de taux de chômage).
Si sur le plan de la forme, l’effort d’innovation pouvait sembler réel, les questions et les propositions débattues ont porté sur les questions galvaudées de l’auto entreprenariat, du micro crédit et du partenariat public – privé.
La nuit de dimanche à lundi a été une fois encore marquée par la reprise des affrontements et des actes de vandalisme, des tentatives de pillages par des jeunes casseurs. A l’issue des marches pacifiques de commémoration du 7ème anniversaire du 14 janvier, les émeutes ont repris à la tombée de la nuit : A la cité Ettadhamen des adolescents ont brûlé des pneus et incendiés des poubelles, fermant la route 105 principale artère du quartier, malgré le bain de foule de Béji Caïd Essebsi, premier du genre dans ce quartier emblématique de la fronde.
Idem au chaudron du Kram Ouest à Tunis où 8 personnes ont été arrêtées où des affrontements ont opposé les fauteurs de troubles aux forces de sécurité, ainsi qu’à Feriana dans le gouvernorat de Kasserine. 23 personnes ont enfin été arrêtées à la Manouba pour l’incendie d’un poste de police. La nuit de lundi à mardi devrait permettre de savoir si la contestation fera l’objet d’un peu probable essoufflement avec la fin de la commémoration des évènements de la révolution.
Seif Soudani