Tunisie. Colère des fonctionnaires suite au retard du versement des salaires

 Tunisie. Colère des fonctionnaires suite au retard du versement des salaires

Siège central de l’UGTT, Place Mohamed Ali, Tunis

Au 31 janvier 2022, soit plus d’une semaine après la date habituelle du versement de leurs salaires, des milliers de fonctionnaires tunisiens n’ont toujours pas été payés. Faut-il s’en inquiéter ?

Pour les économistes, il s’agit là d’un symptôme supplémentaire et qui ne trompe pas sur l’état alarmant de la trésorerie de l’Etat. Particulièrement touché, les secteurs de l’enseignement secondaire et supérieur, où la plupart des professeurs et des universitaires demeurent à ce jour livrés à eux-mêmes.

Lundi en fin de journée, Le syndicat UGTT de la Fédération générale de l’enseignement supérieur de la recherche scientifique a dénoncé en des termes indignés le retard de paiement des salaires des enseignants « méprisés par l’Etat » qui les a visiblement considérés comme « des citoyens de seconde zone » :

« Chronique, le retard a cette fois dépassé la fin du mois. La récurrence de cette situation inacceptable et néfaste pour les travailleurs engendre des manquements à leurs engagements auprès des institutions bancaires et de graves complications dans la gestion de leur vie au quotidien déjà dégradée par des salaires dérisoires et un pouvoir d’achat vacillant.

Nous refusons d’être classés par le ministère des Finances comme des fonctionnaires de seconde zone, dont les salaires sont relégués en queue de peloton […]. Nous nous réservons le droit de lutter contre cette humiliation de la famille universitaire, par tous les moyens militants », conclut le communiqué ci-dessous.

 

Un scénario libanais se profile-t-il ?

S’il touche toujours également le secteur de la Santé, deuxième plus gros employeur de la fonction publique en Tunisie, ce retard semble être réglé s’agissant de l’Intérieur et de la Défense où les forces armées et les militaires ont finalement été payés, à l’issue d’un deuxième mois consécutif de retard. Une hiérarchisation des priorités qui n’est pas sans causer à son tour une polémique relative à la politique sécuritaire du nouveau régime.

Pour l’économiste Ezzedine Saïdane, « il faut désormais moins s’inquiéter du versement des salaires en lui-même que de sa provenance ». Si l’on considère les dépenses de l’Etat tunisien durant l’année écoulée, comparées à ses rentrées d’argent, on constate que ces dernières ne dépassent pas les 39 milliards de dinars, là où l’Etat a dépensé 47 milliards de dinars en 2021, soit un différentiel de près de 4 milliards chaque mois.

Cependant ces données budgétaires ne prennent pas en compte le règlement des diverses dettes de l’Etat tunisien. En avril 2022 la Tunisie devra en effet rembourser un prêt qatari à hauteur de 750 millions de dinars. A partir du mois de mai, ce sera au tour d’une tranche du prêt du FMI de 360 millions d’être remboursée. Une dette de 300 millions auprès de l’Arabie saoudite doit être réglée quant à elle entre janvier et juillet, en sus d’une dette de 220 millions du Fonds monétaire arabe entre avril et octobre, tout comme un prêt du Japon de 600 millions… 7,6 milliards de dettes au total doivent être remboursées cette année, ce qui élève le déficit à des niveaux records.

« Une situation intenable » selon l’ensemble des observateurs économiques, plus que jamais anxieux des atermoiements dans le dossier déterminant du nouveau prêt du Fonds monétaire international, au point mort, et sans lequel aucune nouvelle sortie sur les marchés financiers ne sera possible.

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