Ces nouvelles perles des municipales
Chaque exercice électoral en Tunisie depuis l’année 2011 apporte son lot de faits divers les plus insolites. Une piqûre de rappel quant au fait que le pays n’en est qu’à son quatrième scrutin libre et transparent depuis la révolution de la dignité. Petit florilège d’incroyables irrégularités et dépassements en tout genre, constatés en région en marge de la campagne pour les municipales.
Nous revenions la semaine dernière sur l’incompétence de certains candidats qui s’étaient montrés incapables de répondre aux médias nationaux concernant des points aussi élémentaires que le programme de leur parti, ou encore la mission fondamentale d’un élu local.
Depuis, des habitants de Sfax, la plus grande circonscription du sud du pays, nous ont alerté sur un type de dépassement que l’on pensait révolu : un colonel de police à la retraite s’y présente en effet en tant que candidat, jusqu’ici il est dans son droit, sauf que l’intéressé a apposé sa photo de tête de liste, en uniforme, et avec la mention « grade de colonel, à la retraite ». Des riverains ont aussitôt alerté la représentation de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) sur place.
Plus préoccupant, cette fois Avenue Habib Bougatfa à Bizerte, dans la matinée du 23 avril courant, des passants ont documenté en vidéo (ci-dessus) un sinistre classique des campagnes électoral, une pratique déjà vue lors des législatives de 2014 : une voiture appartenant au ministère de Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire (reconnaissable au préfixe 13, plaque d’immatriculation blanche), transportant des drapeaux et des flyers aux couleurs de Nidaa Tounes, l’un des partis au pouvoir.
Embarrassé, le ministère en question a dû se fendre d’un communiqué, dans la foulée de cette découverte, pour annoncer que « des sanctions administratives ont été immédiatement prises à l’encontre des responsables de ces agissements ».
Un dépassement similaire a été signalé par des internautes, impliquant cette fois un drapeau d’Ennahdha (photo ci-dessus) transporté par un véhicule appartenant au ministère de l’agriculture.
Sexisme revendiqué
Mais la palme des irrégularités les plus insolites, celles que l’on croirait tout droit venues du parti salafiste égyptien Hezb Ennour, revient probablement à la liste dénommée « al-Iqlaâ » (le décollage).
Ainsi cette liste indépendante qui se porte candidate dans la région de Gafsa n’a pas jugé bon d’afficher les photos de ses quinze candidates du sexe féminin, ou a plutôt jugé bon de les censurer, apposant ce qui ressemblait à une silhouette anonyme type Facebook, en guise d’illustration au-dessus de leurs noms respectifs.
De quoi s’interroger sur le bienfondé et la cohérence, même d’un point de vue religieux, d’une telle omission, les fondamentalistes islamistes ne reconnaissant pas d’ordinaire le fait démocratique. En somme, il s’agit ici d’avoir le meilleur des deux mondes…
Plus sérieusement, l’ISIE se trouve ici devant une faille juridique, rien ne contraignant d’un point de vue légal les candidats à afficher leur photo qui n’est là qu’à titre indicatif et publicitaire.
Seif Soudani
Lire aussi : Tunisie. Municipales : Ennahdha et les limites du relooking