Bruit de bottes en Libye, réactions en Tunisie
Selon des sources occidentales concordantes, « l’affaire est pliée » : la décision aurait déjà été prise d’une nouvelle intervention militaire imminente de l’OTAN en Libye. Déjà affectée par la guerre civile libyenne, le voisin tunisien pourrait pâtir économiquement d’une guerre supplémentaire dans la région. Cependant, certaines réactions xénophobes en Tunisie ne sont pas sans rappeler celles de certaines formations de droite européennes et américaines dans la crise des migrants.
Mercredi 10 février, branle-bas de combat au gouvernement. Selon le site officiel du ministère des Affaires étrangères, le fraîchement investi ministre Khemais Jhinaoui affirme qu’une stratégie globale, sécuritaire et humanitaire, a été mise en place, suite à la réunion de la commission de coordination et de suivi sécuritaire. Une stratégie qui sera pilotée par une commission nationale mixte, elle-même supervisée par le ministère de Jhinaoui. C’est dire le stade avancé des préparatifs en prévision du bombardement des positions de l’Etat islmaique, qui ne serait qu’une affaire de jours.
Pourtant, lors de son passage mardi sur les ondes de RTCI, l’ambassadeur de France à Tunis François Gouyette a martelé que « la France n'a pas l'intention d'intervenir militairement en Libye », conformément aux propos tenus quelques jours auparavant par Laurent Fabius. Cela dit, après avoir rappelé la position de la France en faveur d’une solution politique en Libye, le même ambassadeur n’a pas exclu que l’OTAN réponde favorablement à une demande de soutien militaire d’un gouvernement d’union nationale libyen, si celui-ci venait à trouver un accord aux termes des pourparlers encore en cours. « Dans ce cas nous consulterons nos partenaires tunisiens », a rassuré Gouyette…
En pointe dans l’émission de cris d’alarme contre une éventuelle crise humanitaire, l’économiste tunisien et président de l'association "Action et Développement Solidaire" Radhi Meddeb affirme que « l’intervention militaire en Libye semble inévitable et que cela provoquera une forte vague d’immigration vers la Tunisie ». L’aspect humanitaire n’est donc pas le souci premier de la ligne, foncièrement idéologique, promue par Meddeb.
Diabolisation des réfugiés
L’homme rappelle que plus d’un million de réfugiés de 65 nationalités ont fui la Libye en 2011 et ont été accueillis sur le territoire tunisien, et que des centaines de milliers d’entre eux y ont établi domicile depuis.
Mais selon lui, « 2 millions de réfugiés sont cette fois potentiellement attendus en Tunisie » et qu’il faudrait réfléchir à la logistique de gestion de ces réfugiés, suggérant que cela poserait aussi une menace sécuritaire « par infiltration de terroristes parmi les réfugiés ».
Si la Libye est en effet devenue un sanctuaire pour les apprentis djihadistes, aucun attentat sur le sol tunisien n’a néanmoins à ce jour été commis par des ressortissants libyens.
« Les libyens consommeront les produits alimentaires subventionnés par l’Etat tunisien », croit bon de rappeler enfin Meddeb, en référence aux risques inflationnistes.
D’autres estiment que la communauté internationale devra aider financièrement la Tunisie en cas de campagne militaire en Libye. D’autres encore, à l’image de l’économiste Moez Joudi, estiment que « tout résidant en Tunisie pour une durée de plus d’1 mois devra payer des impôts »…
Louée par le monde entier pour son hospitalité exemplaire en 2011, la Tunisie instigatrice du Printemps arabe n’aura probablement pas la palme de l’originalité pour ses économistes dignes de Donald Trump, plus à droite encore que leurs homologues occidentaux.
Seif Soudani