Tunisie. Bras de fer entre la Banque centrale et les législateurs

 Tunisie. Bras de fer entre la Banque centrale et les législateurs

Marouane Abassi, président de la BCT

Mi-juillet, l’Assemblée des représentants du peuple avait approuvé le projet de loi 104 relatif à la relance de l’économie et la régularisation des infractions de change. Un texte qui n’est pas du goût de la Banque centrale de Tunisie (BCT), et dont l’examen fait précisément l’objet d’une réunion extraordinaire de son Conseil d’administration aujourd’hui vendredi.

 

« Tout en soutenant la nécessité d’adopter une politique de relance de l’économie, le Conseil d’administration a, suite à un débat approfondi sur les dispositions de ce projet de loi ainsi que les péripéties et les étapes de son élaboration, constaté que ce projet impacte directement les principes et les mécanismes d’action de la BCT ainsi que la réalisation des objectifs dont elle est directement responsable, conformément à la législation en vigueur », peut-on lire dans un bref communiqué de la Banque.

La BCT poursuit : « Il a été constaté que le projet de loi comporte des mesures de nature à entraver la bonne conduite de la politique monétaire et à affecter les engagements internationaux de la Tunisie et sa capacité à continuer de mobiliser les fonds extérieurs nécessaires, outres ce qu’il soulève comme problématiques de mise en application ».

 

Un texte interventionniste

Pour rappel, via 21 articles, l’objectif affiché de la loi en question est d’alléger la pression fiscale sur les entreprises et de soutenir l’investissement. Elle permettrait selon les députés de consacrer une enveloppe de 3 milliards de dinars en faveur des PME gravement affectées par la crise Covid-19. Des aides qui seront allouées sous forme de prêts garantis par l’Etat, à un taux fixé à 3%. La loi prévoit également un délai de grâce de 2 ans.

Mais la loi prévoit également un volet consacré au traitement des infractions douanières et de change, visant principalement à soutenir l’intégration du secteur informel dans l’économie (un secteur qui représente quelques 40% de l’économie du pays, aux dernières estimations des experts). C’est sur ce volet et celui des infractions de change que la BCT rechignerait visiblement le plus à donner son aval.

La loi promet enfin d’ouvrir la voie à chaque tunisien pour la détention d’un compte en devises. Les députés ont également validé l’amendement de la loi 56 de l’année 2018, qui porte sur davantage de « rationalisation de l’utilisation du cash ».

 

Une gestion orthodoxe

Ce n’est pas la première fois que le réputé orthodoxe et protectionniste président de la BCT, Marouane Abassi, en poste depuis février 2018, insiste sur la souveraineté de la BCT et rappelle au passage au Parlement les attributions qui sont les siennes.

En octobre 2020, il avait en effet émis une fin de non-recevoir, à demi-mot, à la demande par le même pouvoir législatif d’un financement supplémentaire du déficit budgétaire, déjà aggravé par la crise Covid, par la BCT. La Banque centrale restera « attachée à la mission que lui a confiée le législateur », avait-il alors tempéré, mission qui consiste notamment à maintenir la stabilité des prix et de contribuer à la stabilité financière.

En clair, ce nouveau rejet est un double camouflet pour le gouvernement Mechichi, déjà en grande difficulté et que l’on dit sur le départ.