Tunisie. Borhen Bssais et Mourad Zeghidi condamnés à 1 an de prison

 Tunisie. Borhen Bssais et Mourad Zeghidi condamnés à 1 an de prison

La Chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunis a prononcé mercredi soir 22 mai 2024 son verdict dans l’affaire des journalistes Borhen Bssais et Mourad Zeghidi, les condamnant à un an de prison ferme. Pour l’opposition, le pouvoir « passe à la vitesse supérieure dans la répression tous azimuts via cette sentence extrêmement sévère qui prive de libertés deux célèbres figures médiatiques connues pour leur modération ».  

 

Pas de clémence ni d’amende comme il est d’ordinaire pratiqué dans ces cas-là. Dans le détail du verdict, chacun des deux journalistes a été condamné à six mois de prison dans deux procès distincts, précisent leurs avocats, totalisant ainsi respectivement un an de prison ferme : six mois pour atteinte à l’ordre public, et six autres mois pour attribution de faits non réels à un fonctionnaire public, a indiqué le porte-parole du Tribunal, sachant que certains des faits qui leur sont reprochés remontent à 2019 et 2020 et ne sont donc pas concernés par le très décrié décret 54 qui n’a pas d’effet rétroactif.

La décision de justice marque surtout un tournant de taille en matière de jurisprudence médiatico-judiciaire, suscitant diverses réactions, pour la plupart unanimes, du moins au sein du paysage audiovisuel et médiatique tunisien.

 

Un « dangereux précédent de délit d’opinion »

Car Mourad Zeghidi et Borhen Bssais sont deux confrères connus pour être des commentateurs consensuels de l’actualité, ayant plutôt tendance dans leurs chroniques TV et radio aux précautions sémantiques de toutes sortes et aux postures centristes. Aux antipodes des agitateurs et polémistes du moment, tant l’un que l’autre sont réputés pour être davantage des modérateurs que des auteurs de chroniques clivantes : « Ils sont très souvent dans le consensus et ont toujours donné la parole aux partisans de Kaïs Saïed, y compris les plus exécrables d’entre eux », relève notamment Business news, d’où la surprise et l’émoi général dans la profession en apprenant la nouvelle.

Rappelons que le procureur de la République avait décidé dès lundi 13 mai la prorogation de la procédure de détention préventive à l’encontre des deux journalistes de 48 heures supplémentaires. Borhen Bssais et Mourad Zeghidi ont été interrogés à propos de déclarations médiatiques et de statuts sur les réseaux sociaux, jugés susceptibles de porter atteinte au président de la République.

Pour l’opposant Hazgui il s’agit d’une volonté claire d’intimider et de mettre au pas le secteur à quelques mois de l’élection présidentielle, après l’emprisonnement d’autres chroniqueurs célèbres dont Mohamed Boughalleb et plus récemment Sonia Dahmani.

Mais pour les partisans les plus décomplexés du président Saïed qui reprennent des éléments de langage martiaux de son discours, « la guerre d’assainissement des médias ne fait que commencer » se félicitent-ils, certains d’entre eux rappelant le passé de propagandiste pro régime de Ben Ali de Borhen Bssais, une étape de son parcours pour laquelle il avait publiquement présenté ses excuses après la révolution de 2011.

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