Béji Caïd Essebsi ne briguera pas de second mandat
Le président de la République Béji Caïd Essebsi a accordé mercredi 3 avril un long entretien au journal Al-Qods Al Arabi dans lequel il laisse entendre qu’il renoncerait à son droit de briguer un second mandat, qui serait « contraire à l’intérêt de la Tunisie ». Quelle crédibilité accorder à cette déclaration d’intention ?
A la question directe posée par l’une des deux journalistes d’Al-Qods « le parti Nidaa Tounes envisage de proposer votre candidature pour votre propre succession à la présidentielle, comptez-vous accepter ? », Caïd Essebsi répond de manière détournée mais assez claire en substance :
« Il est vrai qu’ils ont l’intention de le faire, sauf que mon destin n’est entre les mains de personne. La Constitution m’autorise à me porter candidat pour un second mandat… Mais ce n’est pas parce que j’y ai droit que je vais user de cette prérogative. Toute mesure qui va dans le sens de l’intérêt supérieur de la Tunisie est pour moi une bonne mesure. Or, jusqu’ici je ne suis pas convaincu qu’il est dans l’intérêt du pays que je me présente à nouveau… »
« Oui mais… »
Néanmoins, une fois de plus, le président laisse encore planer une part de doute, quoiqu’elle est de plus en plus réduite, en rappelant à qui veut bien l’entendre que le délai du dépôt de la candidature n’a pas encore expiré… « Nous verrons bien ! », conclut-il ainsi, laconique, tout en confirmant sa participation à l’imminent prochain congrès électif de Nidaa Tounes.
Alors, manœuvre politicienne ou incertitude réelle ? Il y a fort à parier que les récents développements dans l’Algérie voisine, où la colère populaire a eu raison d’une cinquième candidature d’un président grabataire, ont joué un rôle dans le fait que le président tunisien en exercice, à l’âge de 92 ans (93 ans en novembre prochain, date du scrutin présidentiel), ait reconsidéré son hésitation, à l’aune de ce contexte régional fort volatile.
D’autant que dans la même interview, Caïd Essebsi explique que « 8 ans après le déclenchement de la révolution, la démocratie en Tunisie demeure fragile tant que le développement économique n’a pas été réalisé ». Une façon d’affirmer que si rester en place pourrait signifier davantage de stabilité, l’alternance au pouvoir permettrait quant à elle de renforcer ladite démocratie naissante secouée par « le tourisme parlementaire » qu’il dénonce plus loin dans l’entretien.
Evasif sur le contenu de l’amendement constitutionnel dont il veut marquer la fin de son mandat, nous savons d’ores et déjà qu’il devrait consister en une batterie de modifications, comprenant notamment une proposition d’interdiction de changement de bloc parlementaire post élections, ainsi que le « parachèvement de l’œuvre bourguibienne » via la constitutionnalisation de l’égalité homme-femme en droit successoral.
Quoi qu’il en soit, dans la mesure où le chef du gouvernement Youssef Chahed est crédité de 41,6% des intentions de vote à la présidentielle selon le dernier sondage en date, ce retrait de la course de Caïd Essebsi apparait davantage comme un pragmatique choix de la raison, sous la contrainte, que comme une sortie par la grande porte de l’Histoire.
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